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Aspérule odorante: cueillette et utilisation

Plantes sauvages dans cet article: 

Thèmes: 
Michaël Berthoud
/
14 mai 2018

L’aspérule odorante fait partie de ces petits joyaux printaniers dont j’attends la venue avec impatience. Car il existe des plantes qui nous plaisent plus que les autres. On les trouve plus belles, on préfère leur odeur ou leur goût. Les voir pousser dans la nature est un moment de grâce. Il suffit d’en apercevoir une dans la végétation pour être de bonne humeur.

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Article publié en partie dans le journal de phytothérapie “La pharmacie secrète de dame nature”,
N°9, mai 2018. 

Journal de phytothérapie

ASPERULE ODORANTE
Gaillet odorant, reine des bois.
Nom latin Galium odoratum
Famille Rubiacées (comme le café !)
Floraison Avril-juin
Milieu Sous-bois des forêts de hêtre (en plaine en Suisse, presque toute la France et en Belgique)
Altitude Jusqu’à ~1500m
Cueillette Avril-Mai-juin

Botanique

Sous la protection du hêtre

L’aspérule odorante est une jolie petite plante comestible qui pousse dans les sous-bois de hêtre, de temps à autre avec quelques résineux. Consultez la fiche Infoflora (CH) ou TelaBotanica (FR) pour accéder aux cartes et descriptions botaniques complètes. Le hêtre est l’un des arbres les plus abondants d’Europe en moyenne altitude. Un des plus majestueux aussi. Est-ce pour cette raison que l’aspérule était appelée autrefois Mater silvarum, la mère des bois ?

Comment reconnaître l’aspérule odorante

À partir de la deuxième moitié du printemps, j’aime me promener dans ces forêts, ni trop sèches ni trop humides. J’ai de bonnes chances d’y apercevoir une colonie de petites plantes à l’apparence délicate, pas plus hautes que 10 à 30 cm, dont les feuilles sont réunies en verticilles. C’est-à-dire que 6 à 8 feuilles fines et allongées partent de la même hauteur sur la tige, dans toutes les directions. Je me baisse pour en cueillir une, je fais rouler la tige entre mes doigts. La tige est carrée ! Autre critère : ses fleurs à l’odeur subtile sont composées de 4 petits pétales blancs. Elles apparaissent au mois de mai ou juin suivant les régions.

Risques de confusion

Si je m’en tiens à ces critères et que je reste sous la hêtraie, je sais qu’il n’y a pas de risque de confusion avec des plantes toxiques. Il existe d’autres plantes de la même famille qui poussent dans nos régions, comme le gaillet blanc (Galium album)en prairie et le gaillet gratteron (Galium aparine), toutes deux comestibles. Le gratteron peut pousser près de l’aspérule, mais il a une texture très rêche, d’où son nom.

Cueillette de l’aspérule

La personne qui m’a appris les plantes m’avait dit qu’il fallait récolter l’aspérule avant la floraison. Ce que j’ai fait jusqu’à m’apercevoir que d’autres personnes la récoltent lorsqu’elle est en fleur. Il n’y a donc pas vraiment de règles. Mais y a-t-il une meilleure pratique? Je n’en suis pas sûr, mais aujourd’hui mon expérience me dit qu’il est préférable de la récolter tout juste après la floraison, lorsque les fleurs sont au stade de bouton. Si vous désirez sécher des fleurs épanouies, les pétales vont tomber et vous perdrez une partie de la plante. Dommage…

Comme d’habitude, on récolte là où la plante est abondante! Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous suggère de lire les règles d’une cueillette respectueuse de la nature.

Calendrier de cueillette de l'asperule odorante. Cueilleurs Sauvages.
Extrait du calendrier de cueillette

La saison de récolte varie en fonction de votre région (latitude et altitude) de l’année. Elle se situe en gros dès la fin du mois d’avril et début mai (pour les fleurs tout juste épanouies). La fenêtre de cueillette est donc assez courte.

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Note : 5 sur 5.

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Cuisine de l’aspérule odorante

La plante n’a pas d’odeur particulière lorsqu’elle est fraîche, mais une fois séchée, les coumarines qu’elle contient dégagent une odeur très parfumée, légèrement vanillée.

L’odeur est similaire à la fève de tonka et au mélilot. L’aspérule était bien connue des populations germaniques qui l’utilisaient dans la fabrication de boissons alcoolisées. Le fameux Maitrank (vin de mai) est une boisson délicieuse qui s’obtient par macération de la plante dans un vin blanc doux (voir recette plus bas). C’est une boisson typique du mois de mai dont la première trace écrite remonte à l’an 854 ! Il est traditionnel en Alsace, en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne. Il a des propriétés calmantes et digestives.

Vin de mai à l'aspérule odorante. Cueilleurs Sauvages.
Macération de feuilles d’aspérule odorante dans une malvoisie. Slurp!

C’est une plante qui s’utilise en infusion ou macération, pour extraire son arôme, qui se marie bien avec le sucré. C’est pour cela que les vins d’aspérule sont souvent doux et qu’elle entre dans la réalisation de nombreux desserts. Le liquide peut donc être du vin, de l’eau, du vinaigre, de la crème… bref tout est possible. Voici quelques idées de préparations:

  • Vin de mai
  • Crèmes brûlées
  • Glaces
  • Limonade
  • Tisane

Les parties utilisées pour la macération du vin sont les feuilles avant ou après floraison comme nous l’avons vu. Pour la réalisation du vin, elle peut être mise à macérer fraiche. L’idéal étant de la flétrir légèrement avant pour qu’elle dégage plus d’odeur. Mais la plupart des recettes traditionnelles, si ce n’est toutes, demandent de mettre la plante fraiche directement dans le vin.

Vin de mai à l’aspérule odorante

Voici ma recette simple du vin de mai à l'aspérule odorante!
Temps de préparation 5 minutes
Temps total 5 days
Portions 1 L

Ingrédients

  • 20 tiges Aspérule odorante
  • 1 L Vin doux (gewurztraminer ou malvoisie

Instructions

  • Récolter de l'aspérule odorante lorsque les fleurs sont juste au stade de bouton, ou tout juste fleuries.
  • Avant je conseillais de faire faner les feuilles jusqu'à ce qu'elles dégagent du parfum (1-2 jours) ou de les placer au four durant 15 min à 50°C. Mais en réalité, cela fonctionne tout aussi bien avec les plantes fraiches, c'est même plus simple!
  • Placer les tiges entières, avec les feuilles et les fleurs dans le vin.
    C'est normal que les plantes fraiche noircisse dans le liquide. Elle ne doivent pas dépasser du niveau de vin, sinon elles risquent de moisir.
  • Laisser macérer durant 5 jours minimum. Goûtez! En fonction de la puissance de l'arôme de votre récolte, vous pourrez augmenter la durée de quelques jours.
  • Filtrer au filtre à café permanant et mettre en bouteille.

Notes

  • A conserver au frais et à boire dans l’année.
Ceci est la recette de base par laquelle je vous recommande de débuter. Au lieu d’utiliser un vin blanc sec, j’utilise du vin doux, ainsi je n’ai pas besoin de rajouter du sucre. Vous pouvez aussi y rajouter des agrumes et du citron (1/4 de chaque par L) ou d’autres plantes sauvages aromatiques! L’aspérule et le sapin blanc se marient bien ensemble par exemple!

Propriétés médicinales de l’aspérule odorante

Les parties aériennes, feuilles et fleurs, sont utilisées pour traiter l’agitation nerveuse, la jaunisse, les hémorroïdes, ainsi que les problèmes de circulation. Les feuilles écrasées ont été utilisées pour accélérer la guérison des plaies [1-2] et cet usage a été confirmé par des études qui montrent un effet anti-inflammatoire [3].

Ses propriétés antiseptiques des voies urinaires lui permettent de contrer les engorgements du foie et de la rate. Maintenues sur le front, les feuilles calment les migraines.

À la maison, l’aspérule odorante est une bonne tisane du soir, car elle est calmante et digestive. Elle s’emploie donc pour les troubles du sommeil et les insomnies, calmer le stress et les angoisses ainsi que pour lutter contre les troubles digestifs mineurs.

Une tisane qui vous aidera à dormir

Pour réaliser une infusion calmante, infusez 30 à 50 g de feuilles ou de sommités fleuries, sans faire bouillir, durant moins de 10 minutes. Prenez 3 tasses par jour.

L’aspérule s’associe bien avec la véronique officinale, la sauge, la mélisse et les feuilles de fraisier.

Toxique, l’aspérule odorante?

L’aspérule odorante est une plante qui fait peur certaines personnes due à une certaine toxicité en raison de sa teneur en coumarines. En réalité il y a deux histoires différentes et il n’a pas été évident pour nous de faire le tour de la question.

Toxicité des coumarines

Le premier aspect concerne la coumarine prise de manière “pure”. La plante séchée en contient environ 1% qui, si elles sont prises à hautes doses, peuvent causer des migraines, des vomissements, des vertiges ainsi qu’une toxicité hépatique. C’est une plante cultivée commercialement pour en extraire cette molécule [4]. Des études ont démontré une toxicité chez les rongeurs après la consommation de fortes doses de coumarines: formations de tumeurs, problèmes hépatiques et pulmonaires. D’où une certaine crainte pour l’humain. Cependant, il a été démontré que les coumarines empruntent un autre chemin métabolique chez l’homme et aucune toxicité n’a été reportée, même après des doses 100 fois supérieures aux prises journalières qui causaient des soucis chez les rats [11].

Le mécanisme de formation de tumeurs induites par la coumarine chez les rongeurs est associé à une toxicité influencée par le métabolisme et il est conclu que l’exposition à la coumarine contenue dans les produits alimentaires et/ou cosmétiques ne présente aucun risque pour la santé humaine [11].

Séchage de l’aspérule et production de dicoumarol

Forme moléculaire de la coumarine. Par Pancrat — Travail personnel, CC BY-SA 3.0.

Le deuxième aspect concerne le séchage. Vous lirez souvent que si la plante noircit au séchage, il se peut que les coumarines se transforment en dicoumarol par un processus fongique ou par moisissure. Cette molécule a un effet très puissant, car c’est un anticoagulant puissant (anti-vitamine K). Ce dicoumarol a été utilisé comme mort au rat (il crée des hémorragies) puis transformé et commercialisé dans les années 50 comme médicament anticoagulant.

Mais attention! Ce processus n’a, à notre connaissance, jamais été observé chez l’aspérule. Cette crainte par rapport au dicoumarol provient d’une autre plante à coumarine, le mélilot.

Voici la traduction d’une revue scientifique qui explique l’histoire du mélilot et de la découverte du dicoumarol:

À la fin du XIXe siècle, les éleveurs d’Amérique du Nord ont commencé à semer du Melilotus officinalis et du Melilotus alba (mélilot) importés d’Europe pour nourrir leur bétail. Peu après, les bovins ont commencé à développer une nouvelle maladie mortelle caractérisée par des saignements abondants. Francis Schofield, un vétérinaire anglais émigré au Canada, a supposé que la maladie était liée à la consommation de foin avarié, le foin frais ne provoquant pas de maladie. Il a démontré que l’élimination du foin avarié de l’alimentation, ainsi que la transfusion de sang d’animaux sains, amélioraient significativement l’état de santé des animaux atteints.

L’étiopathogénie de cette nouvelle maladie est restée une énigme, jusqu’à ce que Karl Paul Link et ses collègues de l’université du Wisconsin découvrent que le foin avarié était contaminé par plusieurs espèces d’Aspergillus. Ces champignons oxydent la coumarine naturellement présente dans le Melilotus en 4-hydroxycoumarine, qui réagit à son tour avec le formaldéhyde et une autre molécule de coumarine, conduisant à la production de dicoumarol. 

Coumarin-Induced Hepatotoxicity: A Narrative Review (Pitaro et al. 2022)

En résumé, il a été observé des cas d’intoxication du bétail à cause d’une molécule créant des hémorragies, apparue suite à la transformation des coumarines des mélilots par des champignons lors d’un mauvais séchage. L’aspérule odorante contenant également des coumarines, il est supposé qu’un mauvais séchage de cette plante peut aussi mener à la formation de dicoumarol. Mais je le répète, à notre connaissance, ceci n’a jamais été observé.

Cependant, dans le doute:

Il est recommandé de jeter toute plante à coumarine (aspérule, mélilots, flouve odorante…) noircie au séchage.

Comment sécher l’aspérule odorante?

L’aspérule doit donc être séchée dans un endroit bien sec et à l’abri du soleil, à moins de 55°C, puisque ce serait la température qui favorise la production de dicoumarol toxique [14].

Si votre environnement est humide, un séchage au four ou au déshydrateur est plus sûr, à la plus basse température (30-35°C).

Selon notre expérience, l’odeur ne se développe pas bien si le séchage ne s’est pas fait correctement. Veillez à ce qu’elle ne prenne pas l’humidité. L’odeur maximale est atteinte après quelques jours de séchage seulement, lorsqu’elles sont fanées, mais pas encore complètement sèches. C’est le moment optimal pour l’utiliser !

Dans tous les cas, l’odeur faiblit au séchage et réapparait une fois infusée. Mais pas toujours. Cela doit dépendre du sol ou du moment de cueillette.

Aspérule odorante mauvais séchage
Lorsque l’aspérule noircie au séchage, il convient de la jeter, dans le doute ou elle aurait fermentée et produit du dicoumarol.

En conclusion, il n’y a pas de risque à consommer de l’aspérule odorante si vous êtes en bonne santé. Par contre, il existe des précautions [4]:

  • si vous souffrez de problèmes circulatoires
  • si vous êtes sous anticoagulant
  • si vous êtes enceinte

Et comme nous l’avons vu, si la plante a noirci au séchage, mieux vaut par prudence s’abstenir de la consommer.

Avertissement

Les informations données ici peuvent ne pas être suffisantes pour déterminer ou utiliser une plante avec sécurité. N’oubliez pas, au moindre doute abstenez-vous! Faites-vous conseiller par un guide professionnel et sachez que nous organisons des cours sur les plantes sauvages comestibles, médicinales et toxiques régulièrement.

Références
[1] Gruenwald, J., Brendler, T., & Jaenicke, C. (2007). PDR for herbal medicines. Thomson, Reuters.
[2] Soltani, A. (2005). Encyclopedia of traditional medicine herbal. Tehran: Arjmand.
[3] Kahkeshani N, Farahanikia B, Mahdaviani P, et al. Antioxidant and burn healing potential of Galium odoratum extracts. Res Pharm Sci.
2013;8(3):197‐203.
[4] Chevallier. A. The Encyclopedia of Medicinal Plants Dorling Kindersley. London 1996 ISBN 9-780751-303148
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Galium_odoratum
[6] Dr Jean Valnet, La Phytothérapie, Le livre de Poche.
[7] Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Omnibus.
[8] Couplan et E. Styner, Les plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé.
[9] Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868, aspérule odorante.
[10] Christophe Bernard, Vins médicinaux et élixirs, La Source de Vie.
[11] B.G Lake, Coumarin Metabolism, Toxicity and Carcinogenicity: Relevance for Human Risk Assessment, Food and Chemical Toxicology, Volume 37, Issue 4, April 1999, Pages 423-453
[12] Williamson, E. M., Drug interactions between herbal and prescription medicines., Drug safety, Drug interactions between herbal and prescription medicines.
[13] Pitaro M, Croce N, Gallo V, Arienzo A, Salvatore G, Antonini G. Coumarin-Induced Hepatotoxicity: A Narrative Review. Molecules. 2022 Dec 19;27(24):9063. doi: 10.3390/molecules27249063. PMID: 36558195; PMCID: PMC9783661.
[14] Bye A, King HK., The Biosynthesis of 4-Hydroxycoumarin and Dicoumarol by Aspergillus fumigatus Fresenius. Biochem J. 1970 Apr;117(2):237-45. doi: 10.1042/bj1170237. PMID: 4192639; PMCID: PMC1178855.

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