Plantes sauvages dans cet article:
L’impératoire est une plante surprenante dont on fait une liqueur digestive au goût poivré. C’est une plante sauvage comestible poussant dans les régions alpines. Si l’égopode ou le plantain sont devenus trop communs pour vous et que vous désirez découvrir une plante peu connue, cette recette de liqueur à l’impératoire est faite pour vous.
L’impératoire, joyaux des alpes
L’impératoire, Peucedanum ostruthium, est une de nos plantes préférées, dont nous avons déjà écrit un article sur sa reconnaissance et ses usages. Rappelons ici qu’elle pousse dans les alpes, particulièrement en Valais où elle est très utilisée, alors qu’ailleurs elle est souvent inconnue.
Elle était jadis utilisée pour ses propriétés médicinales et en fumigations. Son nom montre toute la considération qu’on lui portait. Et pour connaître le bon moment de récolte, notre calendrier de cueillette PDF va vous aider! En gros, c’est toute l’année, sauf quand il y a de la neige ou que la plante est en fleur.
J’ai beaucoup cherché d’informations sur sa cuisine, même sur les sites anglophones, le web est… quasi vide… et les livres ne sont pas très clairs sur son utilisation. C’est qu’elle n’est pas facile à cuisiner à cause de son amertume. J’expérimente un peu à l’aveugle et fais parfois de belles découvertes!
L’impératoire une plante amère et poivrée. Les plantes comestibles amères sont généralement médicinales, c’est le signe qu’elles sont digestives. Son goût poivré la rend unique, il a quelque chose de très vivifiant. Ce sont les racines que nous allons utiliser dans cette recette, mais nous pourrions aussi utiliser les fruits.
La cueillette des racines devra se faire sur un site où elle est suffisamment abondante. C’est souvent le cas, puisque qu’elle produit de nombreux rhizomes souterrains. Il existe des risques de confusions avec des plantes toxiques, comme la renoncule à feuilles d’aconit. Référez-vous à notre article déjà mentionné pour en savoir plus.
Une liqueur à l’impératoire à partir d’une teinture
J’aime bien faire des teintures de plantes fraiches. Elles sont utiles à la maison dans notre pharmacie naturelle. En général, je prépare 1/2L ou 1L, car le temps de préparation est quasi le même et elles se gardent des années.
J’ai surtout testé la teinture d’impératoire pour ses vertus digestives. Le temps passant, j’ai réussi à régler ces petits soucis digestifs à l’amont dans l’alimentation. Je n’utilise donc cette teinture qu’en petite quantité et je me suis dis que je pourrais utiliser une partie de nos stocks pour en faire des liqueurs!
Je vais donc vous expliquer comment je les dilue. Cela sous-entend que vous possédiez une teinture de plantes fraiches avec de l’alcool à 96°. Vous pouvez utiliser cette méthode à partir de n’importe quelle teinture de plante, ce qui peut être pratique. Ainsi la teinture devient une matière première que l’on peut utiliser en médecine populaire ou en cuisine.
Vous pouvez bien entendu faire une liqueur sans teinture ni alcool pur, à partir d’une vodka ou d’un autre alcool. Dans ce cas, allez directement à la recette facile en fin d’article.
1. Diluer la teinture
Petit rappel. Il ne s’agit pas d’une teinture pour teindre le tissus, mais d’une macération de plante dans de l’alcool.
J’ai donc à ma disposition une teinture de racines fraiches d’impératoire. Elles ont macéré durant 2 semaines dans l’alcool à 96° (en Suisse nous avons la chance de le trouver chez Aligro). Premier point important, sachant que les racines contiennent 78% d’eau (j’ai mesuré ce taux en les pesant puis en les déshydratant au four, on va arrondir à 80%), ma teinture contient en fait 68° d’alcool, le reste étant constitué d’eau.
Dans un premier temps on va diluer la teinture. J’ai envie d’une liqueur à 25° d’alcool. C’est subjectif, on aurait pu choisir 30°. La formule de ce site nous aide à savoir combien d’eau il faut rajouter:
- Pour obtenir 100mL d’alcool d’impératoire à 25° = je dilue 37ml de ma teinture à 68° avec 63mL d’eau.
C’est étonnant, car dès que je rajoute l’eau, la potion se trouble comme une absinthe, comme par magie…
2. Rajouter un alcool neutre
On a bien avancé. Je goûte…ouff…. c’est encore trop fort! Le taux d’alcool est bon, mais l’impératoire à un goût bien trop prononcé, ça arrache comme on dit! Il faut donc diluer encore la préparation. On ne va pas rajouter de l’eau, car le taux d’alcool diminuerait. On va simplement rajouter une liqueur neutre à 25°.
J’ai fait plusieurs tests et celui que je préfère est le rajout de la même quantité de liquide. Donc si j’ai 100ml d’alcool d’impératoire à 25°, je rajoute 100mL d’un alcool neutre à 25°.
- Pour faire 100mL de liqueur neutre à 25° = diluer 26mL d’alcool à 96° avec 74mL d’eau.
- Puis, rajouter ces 100mL l’alcool neutre au 100mL d’alcool d’impératoire précédemment réalisés.
Cette étape est obligatoire avec l’impératoire qui a vraiment un goût fort. Peut-être que vous voudrez diluer même un peu plus, ou moins? Ma teinture de base est très concentrée, car elle est médicinale. Avec d’autres plantes moins fortes, au contraire, on ne voudra pas diluer. Il faut tester.
3. Rajouter le sucre
On y est presque! Il ne manque plus que le sucre. J’ai regardé dans mes livres et le taux varie entre 200 et 300 gr par litre. Cela dépend de la plante, du taux d’alcool et de votre goût. J’ai choisi 200gr par litre, la aussi c’est subjectif.
4. Dégustons notre liqueur à l’impératoire!
Et voilà, nous pouvons enfin déguster notre liqueur!
La recette du lait de licorne à deux têtes
Connaissez les films Asterix et Obelix? Il y a une scène durant laquelle ils partent à la recherche du lait de licorne à deux tête. J’adore, c’est tellement drôle! Je n’ai pas encore trouvé le fameux druide, mais je crois que ma recette s’approche de la sienne!
Mais attention… il y a un truc!
Il suffit de laisser votre liqueur dans un verre non fermé, ouvert à l’air libre. L’impératoire va s’oxyder, et le liquide changer de couleur pour devenir quasi turquoise! C’est fantastique! Il arrive que l’on fasse de belles découvertes en expérimentant par soi-même.
Cette magnifique couleur résiste quelques semaines, puis redevient blanchâtre. J’ai fait la même expérience en faisant une infusion de racines d’impératoire dans du lait pour faire une crème brûlée et en la laissant ouverte au frigo. Étonnant…
Par contre je n’ai pas obtenu le même résultat en oxydant une liqueur faite avec de la Vodka (comme la recette facile en fin d’article). Peut-être faut-il partir d’un alcool neutre ou plus fort?
Vous n’avez pas d’alcool à 96° ou de teinture d’impératoire?
Bon ok, tout le monde n’a pas de teinture d’impératoire ni la possibilité d’obtenir de l’alcool à 96°. Donc voici une alternative plus simple avec de l’alcool que tout le monde peut trouver. Si vous désirez acheter des racines d’impératoire sèches, c’est aussi possible. Certaines boutiques en ligne comme celle-ci en vendent.
Pour les quantités de cette recette simple, une vodka suffit. J’ai estimé les proportions à partir de ma recette de teinture, donc le résultat ne sera peut-être pas exactement le même. A vous de voir si la dilution vous convient.
Cette recette est tirée de mon livre 54 Plantes sauvages comestibles de Suisse romande et France voisine:
Liqueur à l’impératoire
Ingrédients
- 20 gr Racines sèches d'impératoire ou 90 gr de racines fraiches coupées en petits morceaux
- 0.7 L Vodka ou autre alcool à 35°, le plus neutre possible
- 0.28 L Eau ou 0.2L si les racines sont fraiches
- 200 gr Sucre
Instructions
Avec des racines sèches (achetées sur internet)
- Placer 0.7L d'une vodka à 35° dans un grand bocal.
- Rajouter 0.28L d'eau. Vous obtiendrez un 1L d'alcool à 25°.
- Rajouter 20gr de racines sèches.
- Laisser macérer 2 semaines, puis filtrer au filtre à café en tissus.
- Rajouter 200gr de sucre.
Avec les racines fraiches
- Placer 0.7L d'une vodka à 35° dans un grand bocal.
- Rajouter 0.2L d'eau + 90gr de racines fraiches.
- Laisser macérer 2 semaines, puis filtrer au filtre à café en tissus.
- Rajouter 200gr de sucre.
Précautions
Prudence, cet alcool est “médicinalement” puissant, doit être consommé en petite quantité et ne convient pas aux personnes sensibles. J’ai déjà vu une personne faire un petit malaise après un repas trop copieux et trop alcoolisé, elle ne s’est pas écoutée et à bu une toute petite quantité de liqueur à l’impéraoire. Je ne sais pas si c’est dû à la plante ou au reste du repas, en tout cas la liqueur était de trop. Cela montre tout de même que ces alcools de plantes ne sont pas anodins.
Les informations données ici peuvent ne pas être suffisantes pour déterminer ou utiliser une plante avec sécurité. N’oubliez pas, au moindre doute, abstenez-vous ! Faites-vous conseiller par un guide professionnel, achetez de bons ouvrages de référence et utilisez les applications de reconnaissance par photographie avec discernement. Sachez que nous organisons des cours sur les plantes sauvages comestibles, médicinales et toxiques régulièrement.