Plantes sauvages dans cet article:
La grande ciguë, plante hautement toxique et rare en Suisse, s’est invitée dans un endroit improbable : notre jardin. Lors de cette aventure botanique, découvrez comment cette plante est arrivée chez nous et quelles applications savent la reconnaître.
Nous avons récemment documenté cette découverte surprenante dans une vidéo YouTube que nous intégrons à cet article. Elle vous permettra d’observer concrètement cette plante et les critères botaniques dont nous parlons.
Une rencontre inattendue après des années de recherche
Le printemps dernier, en observant les plantes qui colonisent spontanément notre jardin, une petite plante de la famille des apiacées attire mon attention. Ses feuilles finement découpées, caractéristiques de certaines plantes de cette famille, éveillent immédiatement ma curiosité. Mais cette découverte semble improbable : cette espèce-là, je la recherche depuis des années.
En tant qu’environnementaliste et formateur en plantes sauvages depuis neuf ans, cette rencontre avec la grande ciguë (Conium maculatum) représente l’aboutissement d’une longue quête. Cette plante revêt une importance particulière dans l’enseignement des espèces toxiques dangereuses, essentielles à connaître, puisque son histoire lui confère une dimension supplémentaire : utilisée durant l’Antiquité grecque et romaine pour les exécutions, elle reste tristement célèbre pour avoir causé la mort de Socrate.
Un défi botanique dans le canton de Vaud
Mes nombreuses prospections botaniques, menées avec l’aide de botanistes expérimentés, sont restées vaines. Nous avons exploré d’anciennes stations connues, sans jamais localiser cette espèce.
Cette difficulté s’explique par sa rareté dans la région : dans le canton de Vaud où je réside, la grande ciguë est rare et bénéficie même d’un statut de protection [4]. L’observation de deux individus en quelques semaines constitue donc un événement remarquable après 18 années de pratique.
L’une de ces observations, effectuée dans un centre de tri, révèle l’ampleur de cette rareté : aucune mention n’existait dans ce carré botanique depuis 1966 !
Une arrivée énigmatique en altitude
Comment cette plante thermophile, adaptée aux climats chauds de plaine, a-t-elle pu s’établir dans notre jardin à 1200 mètres d’altitude ? Plusieurs facteurs microclimatiques expliquent cette implantation:
- Une exposition plein sud optimale
- Un microclimat équivalent à 1000 mètres d’altitude
- La présence d’un mur en pierre sèche accumulateur de chaleur
- Un positionnement contre les murs maximisant les conditions thermiques
L’origine de cette apparition révèle une surprise supplémentaire: la plantule s’est développée sous notre mangeoire à oiseaux! Cette localisation suggère fortement que les graines ont été introduites involontairement avec les mélanges de graines destinées aux oiseaux.
Cette observation illustre les voies d’introduction imprévisibles d’espèces dans nos jardins.
Évaluation de 4 applications de reconnaissance
Face à cette plantule au stade juvénile, j’ai procédé à un test comparatif de quatre applications de reconnaissance botanique. La détermination des apiacées à ce stade reste délicate, même pour des botanistes confirmés. Les apps sauront-elles faire mieux?
Voici celles que nous avons testées:
- Pl@antNet
- Flora Incognita
- Seek
- Florapp
Les résultats obtenus présentent une grande variabilité entre applications. Tous les résultats ont été différents et une seule a fourni une identification correcte : Conium maculatum avec 98% de probabilité.
Applications de reconnaissance et cueillette
Pour une utilisation sécurisée en cueillette, les applications doivent répondre à des besoins spécifiques :
- Identification fiable des espèces toxiques
- Absence de confusion dangereuse: une toxique identifiée comme comestible est très problématique.
Ce test révèle des défaillances préoccupantes, notamment une identification erronée en cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris), espèce couramment consommée. Pour apprendre à les utiliser de façon sûre, notre formation en ligne inclut tout ce qu’il faut savoir sur la cueillette, l’usage correct des applications mobiles ainsi que des cartes de la flore en ligne.
Flora Incognita : performance remarquable
Flora Incognita s’est distinguée par son exactitude dans cette identification délicate, et c’est assez impressionnant. C’est la seule qui ait pu reconnaître la grande ciguë au stade de jeune et petite feuille (image ci-dessous), et ce avec une probabilité élevée. Et j’ai utilisé une photographie volontairement de mauvaise qualité et la feuille était abimée:
Cette application présente donc plusieurs avantages :
- Précision supérieure dans notre pratique: de manière subjective, je la trouve souvent très juste
- Intégration de données d’usage et de toxicité issues de la base Plants for a Future
- Informations sur les symptômes et conduites à tenir en cas d’intoxication
Si Flora Incognita a vu jute cette fois-ci, il n’est pas certain que ce sera le cas la prochaine fois. Cette expérience souligne l’importance d’utiliser plusieurs applications en parallèle pour sécuriser les identifications.
Confirmation par observation de la plante
L’identification par application nécessite impérativement une confirmation par observation des critères botaniques. Après développement de la plante, j’ai pu vérifier les caractères fiables et confirmer que Flora Incognita avait correctement déterminé la plante.
Voici les quatre caractères essentiels permettant une identification certaine de Conium maculatum au stade de jeune feuille, sans fleurs et fruits:
- Taches pourpres distinctes : présentes sur pétioles et tige principale, nettement délimitées sans dégradés
- Pruine et teinte glauque : pellicule cireuse au toucher et coloration vert pâle bleuâtre
- Surface entièrement glabre : absence totale de pilosité sur toutes les parties végétatives
- Pétioles circulaires et creux : section parfaitement ronde et creuse, sans canalicule (gouttière)
La réunion de ces quatre caractères garantit l’identification. Cette reconnaissance précoce est très pratique, la cueillette ciblant généralement les plantes jeunes et tendres.
Toxicité et précautions sanitaires
Cette espèce présente une toxicité extrême. Les alcaloïdes pipéridiniques, notamment la coniine, confèrent une dangerosité majeure : selon les sources, une quantité de 0.5 à 6g pourrait déjà être mortelle [3]. La concentration varie selon les organes, les fruits verts présentant les teneurs maximales[1].
L’intoxication provoque une paralysie progressive des muscles respiratoires, pouvant conduire au décès par asphyxie [1].
Mesures préventives
- Éviter tout contact direct avec la plante
- Proscrire la manipulation sans équipement de protection
- Interdire formellement l’ingestion, même à doses infimes
- Éviter le contact avec les muqueuses après manipulation
En cas de suspicion d’intoxication, contacter immédiatement les services antipoison régionaux.
Ce que vous en pensez
Notre enquête 2023 auprès de 150 abonnés révèle une conscience élevée du risque :
- 99% connaissent l’espèce
- 80% expriment des craintes vis-à-vis de cette plante
- 68% renoncent à récolter certaines espèces par prudence
Les confusions redoutées concernent principalement :
- Le cerfeuil sauvage
- La carotte sauvage
- Le carvi (cumin des prés)
Cette prudence se justifie pleinement, ces espèces partageant l’appartenance aux apiacées et la morphologie des feuilles finement découpée.
Mise à jour importante sur le cerfeuil sauvage
Les données récentes remettent en question l’innocuité des feuilles d’Anthriscus sylvestris. Contrairement aux informations traditionnelles, les parties aériennes contiennent les mêmes principes toxiques que les racines, en concentrations variables, mais significatives. Nous recommandons donc une grande prudence concernant la consommation de cette espèce. Nous préparons un dossier complet à ce sujet.
Répartition géographique et prospection
Pour savoir si elle est présente près de chez vous, le plus simple est de consulter les bases de données de répartition :
- INPN pour le territoire français
- Info Flora pour la Suisse
- GBIF pour les cartes mondiales
L’apprentissage des 4 critères que nous avons vus s’impose dans les zones de présence potentielle.
Enseignements de cette découverte
Cette observation illustre deux principes fondamentaux :
- La nature conserve sa capacité de surprise, même pour les cueilleurs expérimentés
- Les outils numériques constituent une aide précieuse, mais requièrent une validation
Cette expérience rappelle l’importance de l’humilité face à la complexité du monde végétal.
La règle d’or demeure : au moindre doute, s’abstenir. La cueillette responsable exige rigueur, prudence et respect des écosystèmes.
Nos formations de terrain en Suisse intègrent ces retours d’expérience pour une approche toujours plus sécurisée de la cueillette. Retrouvez nos programmes de formation et notre formation en ligne.
Références
[1] Karakasi MV, Tologkos S, Papadatou V, Raikos N, Lambropoulou M, Pavlidis P, Conium maculatum intoxication: Literature review and case report on hemlock poisoning, Forensic Sci Rev, 2019 Jan;31(1):23-36. PMID: 30594904.[2] Thienes C, Haley T. Clinical toxicology. 2nd ed. Philadelphia: Lea & Febiger. Philadelphia: Lea & Febiger; 1948. Clinical toxicology. 2nd ed.
[3] Toxiplantes, Grande ciguë
[4] Conium maculatum L., Grande ciguë, consulté le 15.09.25.
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