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Toxicité des plantes à coumarines: aspérule, mélilot, flouve…

Plantes sauvages dans cet article: 

Thèmes: 
Michaël Berthoud
/
4 août 2025

Certaines plantes sauvages comme l’aspérule ou le mélilot présentent une toxicité en raison de leur teneur en coumarines. Voici un tour d’horizon pour bien comprendre ce sujet complexe.

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Le terme coumarine revient souvent lorsque l’on s’intéresse aux plantes sauvages, puisqu’elle confère à certaines plantes comme le mélilot ou l’aspérule une saveur très particulière et intéressante en cuisine. Toutefois, une certaine crainte revient régulièrement concernant ces plantes: risques hémorragiques, mauvais séchage, effet anti-coagulant… Nous allons tenter ici de mieux comprendre cette molécule et ses effets.

Qu’est-ce que la coumarine

La coumarine, au sens strict, désigne la molécule 2H-1-benzopyrane-2-one (C9H6O2), une substance aromatique naturelle qui possède une odeur caractéristique de foin fraîchement coupé, très appréciée en parfumerie.

Forme moléculaire de la coumarine. Par Pancrat — Travail personnel, CC BY-SA 3.0.

La coumarine est ainsi utilisée comme parfum dans les cosmétiques, et certaines plantes comme l’aspérule sont cultivées commercialement pour en extraire cette molécule [4].

Le terme « coumarines » (au pluriel) désigne également une famille chimique plus large regroupant tous les composés dérivés structuraux de cette molécule de base. Par exemple, substitués ou fusionnés à d’autres cycles comme les furanocoumarines, pyranocoumarines… Les furanocoumarines sont notamment responsables de l’effet photosensibilisant de plusieurs apiacées comme l’impératoire ou l‘angélique sauvage.

La coumarine et ses dérivés sont produits par certaines plantes pour se protéger des herbivores. Une plante séchée comme l’aspérule odorante en contient environ 1% [4]. Elles sont présentes naturellement dans de nombreuses plantes comme la cannelle et la fève tonka, ainsi que parmi nos plantes sauvages comme:

Le mélilot blanc contient de la coumarine.

Toxicité des coumarines

Un premier aspect concerne la toxicité des coumarines telles quelles. Effectivement, si elles sont prises à hautes doses, elles peuvent causer divers symptômes:

  • des migraines
  • des vomissements
  • des vertiges
  • une toxicité hépatique

Sur ce dernier point, le plus important dans cette liste en termes de risque, on pourra lire des informations contradictoires. Voici les informations que nous avons trouvées de sources sûres.

Des études durant les années quatre-vingt-dix ont démontré une toxicité chez les rongeurs après la consommation de fortes doses de coumarines: formations de tumeurs, problèmes hépatiques et pulmonaires. Ceci a naturellement créé une certaine crainte pour l’humain et a été le début de nombreuses études.

Cependant, il a été démontré par la suite que les coumarines empruntent un autre chemin métabolique chez l’homme et aucune toxicité n’a été reportée chez l’homme, même après des doses 100 fois supérieures aux prises journalières qui causaient des tumeurs chez les rats [11].

Il est donc conclu que l’exposition à la coumarine contenue dans les produits alimentaires et/ou cosmétiques ne présente aucun risque pour la santé humaine [11]. Cependant, par mesure de précautions, le risque hépatique est souvent mentionné, notamment pour les personnes souffrant de troubles hépatiques (voir les précautions plus bas).

Séchage et production de dicoumarol

Bien que la coumarine elle-même ne soit pas anticoagulante, certains de ses dérivés (comme le dicoumarol) possèdent des propriétés anticoagulantes.

Ainsi, il est souvent indiqué que si une plante à coumarine noircit au séchage, il se peut que la molécule se transforme en dicoumarol par un processus de fermentation fongique.

Ceci est vrai, mais en théorie uniquement comme nous allons le voir.

Ce dicoumarol possède effectivement un puissant effet anticoagulant (anti-vitamine K). Il a été utilisé comme mort-au-rat (il crée des hémorragies) puis transformé et commercialisé dans les années 50 comme médicament anticoagulant.

Cette crainte par rapport au dicoumarol provient de deux plantes à coumarine, le mélilot et la flouve odorante, communes en milieux agricole.

Voici la traduction d’une revue scientifique qui explique l’histoire du mélilot et de la découverte du dicoumarol:

À la fin du XIXe siècle, les éleveurs d’Amérique du Nord ont commencé à semer du Melilotus officinalis et du Melilotus alba (mélilots) importés d’Europe pour nourrir leur bétail. Peu après, les bovins ont commencé à développer une nouvelle maladie mortelle caractérisée par des saignements abondants. Francis Schofield, un vétérinaire anglais émigré au Canada, a supposé que la maladie était liée à la consommation de foin avarié, le foin frais ne provoquant pas de maladie. Il a démontré que l’élimination du foin avarié de l’alimentation, ainsi que la transfusion de sang d’animaux sains, amélioraient significativement l’état de santé des animaux atteints.

L’étiopathogénie de cette nouvelle maladie est restée une énigme, jusqu’à ce que Karl Paul Link et ses collègues de l’université du Wisconsin découvrent que le foin avarié était contaminé par plusieurs espèces d’Aspergillus. Ces champignons oxydent la coumarine naturellement présente dans le Melilotus en 4-hydroxycoumarine, qui réagit à son tour avec le formaldéhyde et une autre molécule de coumarine, conduisant à la production de dicoumarol. 

Coumarin-Induced Hepatotoxicity: A Narrative Review [13].

En résumé, le bétail peut s’intoxiquer à cause d’une molécule créant des hémorragies, apparue suite à la transformation des coumarines présentes dans le mélilot et de la flouve. Les conditions sont tout de même particulières, car il faut [14]:

  • La présence de champignons Aspergillus fumigatus.
  • De la chaleur lors de la fermentation: 55-60°C.
  • De l’humidité.

Il est donc très peu probable que cette réaction ait lieu chez vous lors d’un séchage domestique. D’ailleurs, cette production de dicoumarol n’a, à notre connaissance, jamais été observée chez l’aspérule odorante.

Conclusion et recommandations

Il existe ainsi deux risques, d’un côté une toxicité de la molécule elle-même et prise à haute dose, de l’autre un risque hémorragique d’un de ses dérivés, le dicoumarol, créé dans des conditions très particulières. Ces recherches nous permettent de prendre conscience de la complexité du monde végétal!

Si vous êtes en bonne santé, vous n’avez pas à vous inquiéter pour un usage culinaire de ces plantes.

Voici les recommandations:

  • Éviter les fermentations culinaires qui font intervenir des champignons de type Aspergillus comme les misos.
  • Jeter toute plante à coumarine noircie au séchage : aspérule, mélilots, flouve odorante, gaillet jaune, gaillet blanc…
  • Veillez à sécher l’aspérule à une température inférieure à 50°C.

Il convient d’éviter les plantes à coumarines si [4, 18, 19]:

  • en cas de problèmes circulatoires ou si vous êtes sous anticoagulant.
  • en cas de problèmes hépatiques.
  • si vous êtes enceinte.

Doses recommandées, sur la base des données relatives à la toxicité de la coumarine:

  • Aspérule: 7 g de fleurs fraîches sont considérés comme une quantité sûre de fleurs pour la consommation humaine (pour un adulte de 70 kg) [16].
  • Mélilot: 2,0-2,4 g par jour, ce qui correspond à deux cuillères à café rases par jour [15].

Références

Image de couverture: Hamid, Shokhan J., and Twana Salih. “Design, synthesis, and anti-inflammatory activity of some coumarin Schiff base derivatives: In silico and in vitro study.” Drug Design, Development and Therapy (2022): 2275-2288.

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