Plantes sauvages dans cet article:
La cerise est aujourd’hui un fruit consommé et apprécié partout sur terre. Mais saviez-vous que son ancêtre, le merisier, est un arbuste fréquent dans les lisières de nos forêts européennes? Ses fruits sauvages, les merises, et ses feuilles peuvent d’ailleurs être récolés et préparés en de délicieuses recettes.
Merisier
Cerisier des oiseaux, cerisier sauvage
Nom latin : Prunus avium L.
Famille : rosacées
Parties utilisées : fleur, feuilles, fruits
Milieux : lisières, forêt, haies
Floraison : fin mai et la mi-juillet
Le merisier, Prunus avium, possède plusieurs noms en français: cerisier des oiseaux, cerisier des bois ou encore cerisier sauvage. Cela n’aide pas à s’y retrouver car il existe encore d’autres espèces proches comme le merisier à grappes, Prunus padus, et le cerisier aigre, Prunus cerasus. Lorsque vous ouvrirez des livres ou utiliserez des applications de reconnaissance, vous lirez l’un ou l’autre de ces noms vernaculaires. Je vous suggère donc fortement de lire également le nom latin qui permettra de faire le tri plus facilement. Ici, je parlerai du merisier en faisant référence à Prunus avium.
Pour aider à s’y retrouver avec les Prunus
Merisier, Prunus avium, cerisier sauvage. Autre espèce de merisier présente en Europe. Elle se différencie par des fleurs disposées en grappes d’au moins 10 fleurs et qui apparaissant en même temps que les feuilles. Fleurs solitaires réunies en bouquets.
Merisier à grappe, Prunus padus, cerisier sauvage. Fleurs en grappes.
Cerisier aigre ou griottier, Prunus cerasus, probablement une hybridation entre différentes espèces sauvages.
Cerisier doux, Prunus avium, est issu de la sélection du merisier pour produire des cerises plus grosses et résistantes aux maladies. Ce sont nos cerises cultivées.
Prunellier, Prunus spinosa, le fruit ressemble plus a une petite prune sauvage.
Reconnaître le merisier ou cerisier des oiseaux
Le merisier est un arbre qui peut atteindre 25m de hauteur aux feuilles lancéolées, dentées, d’une longueur de 6 à 15 cm. Leur pétiole a la particularité d’avoir 2 petites glandes rougeâtre. Ces appendices sont des glandes nectarifères qui servent à fournir aux insectes une source de nectar alternative pour les attirer. C’est un signe qui permettra de différencier l’arbre facilement des autres cerisiers sauvages.
Les merisier peuvent se reconnaître de loin, car le grandes feuilles simples sont tombante, ce qui donne une forme particulière à l’arbre.
Autre critère de distinction intéressant, les fleurs qui naissent au mois de mai et juin apparaissent juste avant les feuilles. Celles-ci sont blanches et réunies en ombelles qui donnent l’impressions de petits bouquets partant du même point. Comme pour toutes les rosacées, elles sont composées de 5 pétales.
La merise est son fruit. Il s’agit d’une drupe, terme botanique qui se réfère à un fruit charnu avec un noyau. Elles sont rouges à noir et mesurent jusqu’à 3cm. Elles se récoltent après la floraison, durant les mois de juin et juillet. Les merises, ainsi que les fruits des autres cerisier sauvage précédemment cités, sont à l’origine de nos variétés actuelles de cerisiers domestiques.
Sa répartition géographique s’étend dans toute l’Europe centrale, jusqu’en Asie occidentale. C’est un arbre qui peut vivre jusqu’à 100 ans.
La grande famille des rosacées
C’est une famille riche en espèces de toutes formes: plantes, arbustes, arbres. On compte 2950 espèces à travers le monde et elle a colonisé presque tous les milieux de l’Europe centrale. C’est à elle que nous devons une bonne partie de nos fruits: pommes, poires, cerises, framboises, fraises… Comment la reconnaître? Leurs fleurs ont 5 pétales, 5 sépales, de nombreuses étamines et leurs feuilles sont alternes.
Histoire du merisier
L’histoire de la merise est liée à celle de la cerise, dont elle est la mère. Une origine controversée de l’apparition des cerises en Europe nous est donnée par Lucullus, général romain qui aurait ramené ces fruits d’Asie Mineure. Cependant, l’archéologie nous apporte une autre histoire, car des noyaux datant du néolithique ont été retrouvés.
Reconstruire l’histoire des arbres fruitiers n’est pas une chose aisée. Effectivement, il est difficile de déterminer si un noyau retrouvé sur un site archéologique a été cultivé sur place ou bien importé sec. Deuxièmement, l’identification à l’espèce des différents membres du genre Prunus (prunelier, merisier, cerisier aigre…) est difficile car les noyaux se ressemblent sensiblement. Aujourd’hui, les analyses ADN permettent d’y voir plus clair, pour autant que des fragments soient retrouvés.
Les premiers restes retrouvés de noyaux de merisiers remontent donc à la période néolithique, comme en témoignent les noyaux fossiles de merisier retrouvé dans des stations d’Innsbruck [12]. Nous savons que les Grecs connaissaient déjà les cerises, mais les premières évidences de culture de ce fruit remontent à la période romaine [10].
Sur les 3500 noyaux du genre Prunus retrouvé sur le site romain d’Eschenz (1er au 3e siècle apr. J.-C.) dans le lac de Constence en Suisse, 90% provenaient du merisier (Prunus avium) [10]. Cela témoigne de l’importante consommation qui se faisait déjà de ce fruit à cette époque.
Rites et croyances
Comme la plupart des arbres, le merisier et le cerisier ont fait et font l’objet de nombreux rites et croyances. Au Japon, le cerisier est symboliquement associé à la mort, explique Takahashi Hiroshi, photographe d’arbres géants au Japon. Symbole de l’éphémère et du renouveau, il est souvent planté dans les cimetières et de nombreux Japonais l’ont choisi comme protecteur de leur dernier sommeil.
En France, le botaniste anglais John Gerard (1545-1611), mentionne la coutume de suspendre des branches de merisiers pour éloigner la fièvre dans les maisons. Un curieux rite rapporté par Scott Cunningham vous permettra de découvrir le nombre d’années qu’il vous reste à vivre! Il suffit de secouer l’arbre, et le nombre de merises qui tombe vous indiquera l’échéance.
Propriétés médicinales des merisiers et cerisier
Les tiges de merises (Prunus avium) sont astringentes et diurétiques. Elles étaient utilisées en Europe contre les cystites, les rétentions d’urine et les problèmes articulaires comme la goutte. Quant au merisier à grappe (Prunus padus), bien qu’ils possèdent certaines propriétés similaires, il est dit sudorifique et ses feuilles sont antispasmodiques. Les jeunes feuilles dégagent au froissement une odeur d’amande amère caractéristique et ont été utilisées comme vermifuge.
La cerise issue des variétés cultivées est un des fruits des plus appréciés. Elle possède un indice glycémique faible, ce qui est un avantage comparé à d’autres fruits [2]. Les personnes diabétiques peuvent donc en consommer en quantité raisonnable [11]. De nombreuses études récentes lui sont consacrées. Elles sont une source de vitamine C, de potassium, phosphore, calcium et magnésium [3-4]. Comme de nombreux fruits de la famille des rosacées à chaire rouge, les cerises contiennent des composés phénoliques et des flavonoïdes [5] dont les propriétés antioxydantes sont reconnues en prévention des maladies cardiovasculaires [6-7]. De plus, des études sont en cours sur ses propriétés antitumorales [8].
Une étude menée sur 663 patients durant 1 année a démontré que la consommation de cerises durant 2 jours (3 prises de 10 à 12 fruits) diminue de 35% le risque d’attaque de goutte [9]. Ceci montre encore une fois l’adéquation entre la recherche scientifique et l’utilisation traditionnelle des plantes sauvages.
Il existe peu de recherches récentes sur les propriétés médicinales des merises sauvages. Une étude récente menée en Turquie dans la vallée du Coruh démontre néanmoins que les variétés sauvages turques contiennent plus d’antioxydant que les variétés cultivées [1]! Voilà une bonne nouvelle pour les cueilleurs de fruits sauvages.
Toxicité
Les noyaux contiennent divers principes actifs qui, au contact de l’eau, se développent en amydgaline et en essence d’amande amère (acide cyanhydrique), leur consommation excessive est donc déconseillée.
Récolte et usages culinaires du merisier
La récolte des fleurs, feuilles et fruits des merisiers n’est pas toujours aisée puisque les branches sont souvent haut dans l’arbre. Il faut avoir la chance de trouver des branches basses, ce qui n’est pas courant. Les lisières seront plus propices que l’intérieur des forêts. Il peut arriver que l’on trouve des branches pliées qui permettent une récolte plus facile.
J’avoue ici ne pas avoir beaucoup d’expérience de cueillette de cet arbre. Par contre, j’ai la chance d’avoir un beau-père, Christian Melioret, spécialisé dans les fruits sauvages, qui utilise les merises de longue date. Vous trouverez différents produits mentionnés plus bas sur son site Liqueur Mellioret.
Fleurs
La récolte commence par les fleurs, puisque ce sont les premières à apparaître. Elles peuvent être utilisées dans diverses recettes, bien que leur utilisation soit moins courante que celle des fruits. Les fleurs peuvent être infusées dans de l’eau sous forme de tisane ou encore mises à macérer dont du vinaigre pour le parfumer.
Feuilles
La récolte des feuilles se fait également au printemps, lorsqu’elles sont jeunes et tendres. Les feuilles sont aromatiques et rentrent dans la préparation de diverses recettes de boissons apéritives comme du vin rouge parfumé.
Fruits (merises)
La saison des merises est plus précoce que celle des cerises cultivées, soit entre juin et juillet selon les régions. Comme d’habitude, ne récoltez pas plus de 20-30% des fruits de l’arbre et laissez le reste à la faune, notamment aux oiseaux qui en ont plus besoin que nous!
Leur goût est plus corsé, puissant et explosif que la cerise cultivée. Cependant, les différentes espèces de merisier pouvant s’hybrider entre-elles, vous trouverez des fruits de couleur et de goût variables. Du noir au rouge, tantôt charnues ou petites, douces ou astringentes. Il faudra composer avec ce que vous trouverez. Selon Christian, tous les 5 à 10 ans a lieu une fructification exceptionnelle qui donne des merises particulièrement charnues, juteuses et sucrées.
Les classiques
Les merises parfument les tartes, compotes, soupes, sirops… Une manière classique de les utiliser est sous forme de confitures et gelées. La couleur est d’un magnifique bordeaux et le goût ressemble à la cerise avec une note légèrement boisée. La gelée fait merveille en apéritif sur un craquer avec du fromage par exemple.
Christian les a aussi utilisé en sorbets, crèmes et en une sauces accompagnée d’un boeuf mariné au vin rouges et au épices.
Jus et liqueurs
Le jus de merise révèle quant à lui la douceur et la puissance du fruit, équilibré entre les notes de fruit rouge et celle du noyau. On peut le servir avec des glaçons, on même le considérer comme un vin rouge sans alcool.
Christian utilise pour cela un extracteur vapeur qui permet la réalisation de magnifiques jus de fruits sauvages avec peu de manipulations. Cet extracteur fonctionne aussi parfaitement avec les cenelles, les prunelles et les cynorhodons par exemple.
Finalement, il est possible de réaliser différents alcools comme les liqueurs et eaux de vie. Ces dernières nécessitent un alambic et demandent de passer par un distillateur professionnel. Par contre, la réalisation de liqueurs est plus facile puisqu’on peut la faire soi-même. Elle consiste en la macération des fruits dans un alcool comme une vodka durant plusieurs semaines, de filtrer et rajouter du sucre.
Médaille d’Or 2003, FREDV.
Liqueurs Mellioret.
Tisane de queues de cerises
Cette infusion est diurétique. C’est un ancien remède populaire utilisé en cas de cystites, de diarrhées et de bronchites [12]. Elle est faite à l’origine avec le cerisier acide (ou aigre), Prunus cerasus.
- Ingrédients: 30g de queues de cerises par litre d’eau.
- Préparation: Si vos queues de cerises sont séchées, il faut les ramollir durant une nuit par macération. Le lendemain, verser 1L d’eau frémissante sur 30g de queues hachées. À boire durant 1 à 2 jours.
Références
[1] Karlidag, H., Ercisli, S., Sengul, M., & Tosun, M. (2009). Physico-chemical diversity in fruits of wild-growing sweet cherries (Prunus avium L.). Biotechnology & Biotechnological Equipment, 23(3), 1325-1329.[2] Brand-Miller, J., & Foster-Powell., K. (1999). Diets with a low glycemic index: from theory to practice. Nutrition Today, 34, 64-72.
[3] Schmitz-Eiberger, M. A., & Blanke, M. M. (2012). Bioactive components in forced sweet cherry fruit (Prunus avium L.), antioxidative capacity and allergenic potential as dependent on cultivation under cover. LWT – Food Science and Technology, 46,388-392.
[4] Yıgıt, D., Baydas, E., & Güleryüz, M. (2009). Elemental analysis of various cherry fruits by wavelength dispersive X-ray fluorescence spectrometry. Journal Asian
Journal of Chemistry, 21, 2935-2942
[5] Pacifico, S., Di Maro, A., Petriccione, M., Galasso, S., Piccolella, S., Di Giuseppe, A.M. A., Scortichini, M. & Monaco, P. (2014). Chemical composition, nutritional
value and antioxidant properties of autochthonous Prunus avium cultivars from campania region. Food Research International, 64, 188–199.
[6]Serra, A. T., Matias, A. A., Almeira, A. P. C., Bronze, M. R., Alves, P. M., De Sousa, H. C., & Duarte, C. M. M. (2011b). Processing cherries (Prunus avium) using supercritical fluid technology. Part 2. Evaluation of SCF extracts as promising natural chemotherapeutical agents. Journal of Supercritical Fluids, 55, 1007-1013.
[7] Serra, A. T., Duarte, R. O., Bronze, M. R., & Duarte, C. M. M. (2011a). Identification of bioactive response in traditional cherries from Portugal. Food Chemistry, 125,318-325
[8] Bastos, C., Barros, L., Dueñas, M., Calhelha, R. C., Queiroz, M. J. R., Santos-Buelga, C., & Ferreira, I. C. (2015). Chemical characterisation and bioactive properties of Prunus avium L.: The widely studied fruits and the unexplored stems. Food chemistry, 173, 1045-1053.
[9] Zhang, Y., Neogi, T., Chen, C., Chaisson, C., Hunter, D. J., & Choi, H. K. (2012). Cherry consumption and decreased risk of recurrent gout attacks. Arthritis & Rheumatism, 64(12), 4004-4011. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3510330/
[10] Pollmann, B., Jacomet, S., & Schlumbaum, A. (2005). Morphological and genetic studies of waterlogged Prunus species from the Roman vicus Tasgetium (Eschenz, Switzerland). Journal of Archaeological Science, 32(10), 1471-1480.
https://tinyurl.com/wd82n35
[11] Petit Larousse des plantes qui guérisses, Editions Larousse
[12] Fournier, Dicctionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Omnibus, 1947
[13] Larousse des plantes qui guérissent, Editions Larousse
[14] Takahashi Hiroshi, Sous les cerisiers géants en fleurs, Nippon.com, 29.03.2017, https://www.nippon.com/fr/views/b05310/?pnum=1
[15] Scott Cunningham, Encyclopédie des plantes magiques, ADA Editions
[16] Fragnière et al, Connaissances botaniques de base en un coup d’oeil, Haupt