Plantes sauvages dans cet article:
Aujourd’hui nous allons parler d’une plante toxique que je trouve des plus problématiques, l’arum tacheté (Arum macultum) ou gouet. Il est très important de connaître les plantes toxiques qui poussent proches de chez vous. Celui-ci, je le rencontre souvent lors de mes balades ou de mes cours et il est problématique, car on peut le confondre avec les plantes comestibles fréquemment récoltées par les cueilleurs comme l’ail des ours.
En résumé, les trois plantes avec lesquelles on peut principalement confondre l’arum tacheté sont :
- l’ail des ours
- l’oseille des prés
- le chénopode bon-Henri
La première chose que je vous conseille de faire, c’est d’aller sur les sites Infoflora (pour la Suisse) et Telabotanica (pour la France), de consulter les cartes de répartition pour savoir si l’arum pousse près de chez vous. C’est probablement le cas. Si ça l’est, lisez l’article en entier puis regardez la vidéo. Avec l’expérience, vous arriverez à faire la différence en un coup d’œil, pour autant que vous preniez le temps. Si vous débutez, lisez bien tous les conseils et précautions.
Comment reconnaître l’arum tacheté
L’arum tacheté est une plante de la famille des aracées. C’est une géophyte printanière qui forme des réserves d’énergie sous terre afin de pousser avant les concurrentes. Ses feuilles sont vert foncé, et ont des nervures réticulées (en forme de réseau) très marquées. Leur forme est dite hastée, c’est-à-dire en forme de hallebarde ou plus simplement de fer de lance. Elles apparaissent entre les mois de mars à juin, après elles disparaissent.
La fleur composée de la spathe, qui est une bractée vert clair en forme d’antenne et du spadice, qui est l’inflorescence à proprement parler en forme d’épi brun. Le tout est un système follement ingénieux servant à capturer de petits moucherons dans une chambre. Ils sont bloqués dans celle-ci à l’aide de cils, ils se badigeonnent de pollen, puis les cils se rétractent pour relâcher les moucherons. Comme la mémoire n’est pas leur principale qualité, il se font prendre à nouveau, jusqu’à peut-être polliniser une fleur.
Une fois fécondée, la fleur donne naissance à un épi de petites baies d’un magnifique rouge. Ils se développent à partir du mois de juin et on les rencontre en été et en automne dans les sous-bois.
L’arum est normalement une plante forestière qui apprécie l’ombre et les sols frais et riches en matière organique, plutôt argileux et basiques. Cependant, comme nous allons le voir, il peut également pousser en lisière de forêt et, plus rare encore, au milieu des pâturages.
Un critère important pour le reconnaître et le différencier d’autres espèces est d’observer attentivement ses nervures. Vous remarquerez qu’une nervure est parallèle au bord de la feuille, et en fait tout le tour. Ceci sera particulièrement utile avec l’oseille et l’arum.
Toxicité de l’arum tacheté
L’arum tacheté est toxique. Toutes les parties contiennent des oxalates de calcium qui contiennent des cristaux en forme d’aiguilles, irritants pour la peau, la bouche, la langue et la gorge, bref toutes les muqueuses. Il s’en suit des difficultés pour respirer, brûlures, vomissements… La partie la plus dangereuse est les baies rouges qui contiennent également des saponines [1, 2, 3].
Le goût très âcre de la plante dans la bouche empêche d’en consommer en grande quantité et les dommages sévères sont souvent évités. Toutes les parties peuvent provoquer des allergies chez beaucoup de personnes et la plante doit être manipulée avec précaution [1, 2, 3].
Les cristaux d’oxalates sont neutralisés par le séchage, la cuisson de la plante ou la macération dans l’eau [4]. Ceci limite donc la dangerosité d’une confusion d’un plat cuit ou d’une boisson comme une limonade limonade. C’est donc principalement la feuille crue qui est dangereuse et les baies. Attention donc aux pestos et aux enfants.
L’arum a néanmoins été utilisé pour ses vertus médicinales par le passé. Notamment en application externe, fraiche sur des plaies infectées [3] ou les rhumatismes. La racine est dite diaphorétique, diurétique, expectorante, fortement purgative et vermifuge. Et plus étrangement, elle a été même été consommée! Les racines étaient déterrées, puis longuement cuites ou séchées, elles ont une saveur douce et contiennent jusqu’à 25% d’amidon, ce qui est appréciable en période de disette.
Les feuilles d’arum sont également consommées au Kurdistan! Je vous partage l’histoire d’une liseuse du blog:
Je voulais vous faire partager une expérience : des amis kurdes vivant en Haute-Savoie m’ont invitée à un repas chez eux : ils avaient cuisiné des plantes sauvages ramassées près de chez eux et étaient très contents de les avoir trouvées comme au Kurdistan irakien!
Anne, lectrice du blog
Le plat était délicieux et j’ai demandé à voir cette plante, car je ne reconnaissais pas le goût…( ils ne connaissaient pas son nom en français ) …en la voyant, je ne l’ai pas reconnue. Pas un épinard sauvage… Pas un ail des ours…
J’ai voulu la croquer et une horrible brûlure a envahi la bouche… Je l’ai gardée presque 24 h! Ils m’ont dit qu’il ne fallait jamais la manger crue…mais cuite!
Je n’ai jamais trouvé le nom de cette plante, mais avec votre article je pense qu’il s’agit de l’arum sauvage?
En tous cas je n’ai eu aucun problème digestif… Et eux ont l’habitude d’en manger beaucoup quand ils en trouvent au printemps…
Cette histoire étonnante montre l’arum est consommé aujourd’hui sur Terre. Visiblement, ils connaissent bien sa toxicité, qui semble effectivement disparaître à la cuisson. Cependant, le risque existe même une fois cuit puisqu’une famille a fini à l’hôpital après avoir consommé une soupe d’arum.
Toutes ces utilisations sont donc à proscrire, crues ou cuites.
Le jour où un arum s’est glissé dans ma cuisine
L’arum m’a récemment joué un drôle de tour. Je viens de déménager aux Pléiades, c’est une petite montagne des Préalpes Suisse, dans un lieu idyllique bordée par un bel alpage. J’ai beaucoup de plantes sauvages à manger, notamment le chénopode bon-Henri, aussi appelé épinard sauvage. Ainsi, j’étais en récolte de cette plante, ainsi que de petite pimprenelle pour réaliser une limonade, quand tout à coup l’improbable se produisit, en plein dans ma récolte d’épinards sauvages, je me rends compte que quelque chose cloche…
J’observe mon panier et me et je me rends compte que j’ai deux espèces différentes dedans. Et là, tout de suite, je reconnais l’arum, qui s’est glissé entre quelques feuilles de chénopode. Impossible, improbable, mais c’est ça, l’arum forestier est sorti de sa forêt pour coloniser les champs! Dans l’excitation (car je sais que ceci est rare) je rentre chercher mon appareil photo pour filmer tout ça. Et j’oublie de trier ma récolte… De retour à la maison, je prépare ma limonade et me rends compte à ce moment qu’une feuille d’arum est mélangée avec la pimprenelle…
Depuis que je récolte les plantes sauvages, aucune plante toxique ne s’est trouvée dans ma cuisine. J’ai toujours méticuleusement trié mes cueillettes, pris le temps de déterminer les plantes et m’abstenir lorsque je n’étais pas sûre de moi. Et là, durant la semaine où mon premier livre sort en librairie, une plante toxique a réussi à se frayer un chemin jusqu’à ma cuisine. Belle leçon d’humilité… Personne n’est à l’abri, pas même moi.
La première leçon est de bien trier sa récolte au moment de la cueillette, feuille par feuille, mais également à la cuisine. Soyez méticuleux et ne laissez rien au hasard, deux tris valent mieux qu’un, et encore mieux qu’aucun.
La deuxième leçon est que ce qui est écrit dans les livres n’est que le reflet de l’expérience d’un auteur. J’ai vérifié dans la littérature et n’ai trouvé aucune trace d’arum tacheté pouvant pousser au milieu d’un champ. C’est donc un fait extrêmement rare, mais qui peut arriver.
Mais alors que s’est-il passé? Et bien tout simplement cet arum a trouvé un petit milieu forestier au milieu de la prairie, sous le chénopode bon-Henri. Effectivement, le sol y est riche en substances nutritives, frais et ombragé, tout comme en forêt. Donc, ne croyez pas tout ce que disent les livres, et c’est toujours votre expérience et votre discernement qui fera le tri.
Risques de confusion liés à l’arum tacheté
Chénopode bon-Henri
Le chénopode est un excellent légume sauvage. Il ressemble à s’y méprendre à l’épinard, et s’utilise de la même manière. Les confusions sont fréquentes et on m’a déjà contacté à ce sujet. Il pousse dans les alpages engraissés par le bétail. Ses feuilles ont une forme caractéristique fer de lance, des nervures marquées et apparentes des petites fleurs réunies en épis rouge-verdâtre. Après fructifications, de petites graines noires apparaissent, qui ressemblent étrangement au quinoa andin. Normal, il s’agit de la même famille botanique, les amarantacées.
On peut confondre le chénopode bon-Henri avec l’arum. Même si les deux ne poussent généralement pas dans le même milieu, c’est rare, mais possible. Voici des astuces pour bien faire la différence. Une des caractéristiques de l’arum est qu’il possède une nervure qui fait un petit liseré faisant le tour de la feuille (voir image plus bas). C’est une excellente manière de le différencier du chénopode ainsi que de l’oseille.
Chénopode bon-Henri
- La face inférieure de ses feuilles est recouverte de petites vésicules, des petites billes, qui lui donnent un aspect granuleux. Le toucher est “humide”.
- Récolter les feuilles qui sont situées sur les tiges, dont les épis sont facilement reconnaissables.
- Récolter à partir du moi de juillet-août, les feuilles d’arum ont normalement disparu, car elles sont printanières.
Arum tacheté
- Feuilles glabres, touché sec, presque collant, caoutchouc.
- Feuilles printanières, disparaissant dès l’été venu.
- Inflorescences en forme d’antenne.
- Nervure parallèle au bord de la feuille.
Ail des ours
C’est le risque le plus commun, car les deux plantes aiment les sous-bois forestiers aux sols frais et humides. Je dirais qu’il y a deux risques possibles. Le premier est de rajouter une ou deux feuilles d’arum dans une récolte d’ail des ours par mégarde. En effet, l’arum pousse fréquemment au milieu des “touffes” d’ail des ours. Il est donc important de récoler l’ail des ours, et toutes vos autres récoltes feuille par feuille! S’il n’y a “juste” une ou deux feuilles, je ne pense pas que votre pesto soit mortel, mais tout de même, ce n’est franchement pas génial.
Le deuxième risque serait de se tromper complètement et récolter uniquement de l’arum. Les grandes feuilles de cette dernière sont en forme de fer de lance, donc difficile à confondre. Cependant, les jeunes sont ovales et peuvent être confondues avec de jeunes feuilles d’ail des ours.
Le meilleur critère pour ne pas se tromper est que les nervures de l’ail des ours sont parallèles alors que celles de l’arum sont en réseau, même les toutes jeunes.
Découvrez les risques de confusion liés à l’ail des ours (colchique, arum et muguet).
Ail des ours
- Feuilles à nervure parallèles
- Feuilles lancéolées
- Odeur d’ail
Arum
- Feuilles à nervures en réseau, réticulées
- Feuilles adultes en forme de fer de lance, avec deux oreillettes
- Pas d’odeur particulière
Oseille des prés
L’oseille des prés, Rumex acetosa, possède elle aussi des feuilles en forme de fer de lance. Cependant, ces fleurs sont citées au sommet de tiges pourpres fines et longues de 40-50cm.
Elle pousse dans les prairies et elle aime le soleil. Comme on l’a vu, l’arum est principalement forestier, le risque majeur se situe donc au niveau des lisières de forêts où les deux plantes peuvent se rencontrer, ce qui est assez fréquent. Les deux jeunes feuilles se ressemblent beaucoup et ont des nervures en réseau. La meilleure astuce est la même que pour le chénopode Bon-Henri: la nervure qui fait le tour de la feuille.
Voici les conseils à retenir:
- Récolter l’oseille à 5m dans le champ, et éviter les lisières.
- Commencer par repérer les inflorescences d’oseille et récolter les feuilles dessus.
- Nervure parallèle au bord de la feuille.
Références
- [1] Prakash Raju KNJ, Goel K, Anandhi D, Pandit VR, Surendar R, Sasikumar M. Wild tuber poisoning: Arum maculatum – A rare case report. Int J Crit Illn Inj Sci. 2018 Apr-Jun;8(2):111-114. doi: 10.4103/IJCIIS.IJCIIS_9_18. PMID: 29963416; PMCID: PMC6018264.
- [2] “Arum maculatum” World Heritage Encyclopedia.
- [3] Petit Larousse des plantes qui guérissent, Larousse.
- [4] Frohne. D. and Pfänder. J. A Colour Atlas of Poisonous Plants. Wolfe 1984 ISBN 0723408394
Bonjour. Retour d’expérience, dans un champ de maïs, donc un terrain perturbé dans lequel je ne cueille pas de plantes à consommer, j’ai néanmoins pu observer des pieds de chénopodes blancs côtoyer de tout jeunes plants de datura, les deux m’ont semblé dangereusement ressemblants pour un œil non averti.
Qu’en pensez-vous?
de l’article
Bonjour Laure,
Merci de votre retour d’expérience! Je n’ai pas d’expérience avec le datura qui ne pousse pas dans ma région, pour pouvoir vous dire que j’en pense. Mais j’en prend bonne note 😉
Amitiés
Michaël
Bonjour Michaël,
Merci pour ce retour plein d’humilité.
Je voulais suggérer un conseil supplémentaire qui pourrait être donné comme filet de sécurité en plus… en espérant que personne n’en ait réellement besoin: Garder notre humilité et notre attention quand nous mangeons, si quelque chose cloche, il vaut mieux s’abstenir. Et consommons en prenant le temps de savourer plutôt que d’engloutir, c’est plus en accord avec notre système digestif, et cela permet cette sécurité de plus.
Dans le cas de l’arum, cru et frais, ça se remarque de suite, avec les cristaux d’oxalate le désagrément est tel qu’apparemment la dose consommée est rarement grave… bien que j’imagine qu’il y a des personnes plus sensibles que d’autres. Cuite, sauf erreur, le goût n’est franchement pas bon.
Pour l’anecdote, cette stratégie peut s’avérer utile aussi pour les produits cultivés. J’avais eu une courge très amère, et on avait essayé de la rendre plus facile à manger en rajoutant d’autres ingrédients. Des années après, j’ai appris qu’une courge amère n’est pas comestible, c’est le signe qu’elle a eu une pollinisation croisée avec une coloquinte, toxique.
Bonnes cueillettes
Valentine
PS: Je n’ai pas eu besoin d’aller plus loin que mon jardin, depuis qu’il laisse place à plus de biodiversité, pour constater que l’arum peut se satisfaire de très peu d’ombre pour visiter d’autres milieux. Il a réussi à s’implanter, sur un terrain souvent bien sec, ensoleillé pendant les heures chaudes de la journée, en plaine!
de l’article
Bonjour Valentine,
Merci de votre commentaire et vos retours d’expériences. Je partage votre point de vue, c’est en prenant le temps de bien faire les choses que l’on évite les risques et on prend plus de plaisir aussi!
Amitiés
Michaël
Hello!
Pour dire que votre article est tombé à pic…juste après l’intoxication. C’est le seul à vrai dire qui me rassure sur le pourquoi et le comment j’ai pu confondre chénopode et arum tacheté.
Forte de mes divers ateliers de cueillettes (on parlait d’humilité, c’est ça ? Avec la nature, impossible de se voiler la face longtemps, c’est direct!) avec vous entre autres, sur la route pour dénicher l’ail des ours avec ma filleule de 4 ans, je crois reconnaître sur le chemin du chénopode. Je me dis d’ailleurs qu’il aurait mieux fallu partir à sa cueillette plutôt qu’à celle de l’ail des ours qui se faisait désiré.
On trouve le spot d’ail des ours. On est contente. Feuille par feuille. Tout baigne.
Je retombe sur ces “épinards sauvages”. (Trop) rapide check sur Internet car j’aurais vu votre article sinon!
La cata, c’est que c’est la 1ère fois que j’ose autre chose que l’ail des ours ou les fraises des bois. Bien mal m’en a pris mais on en est sortie indemne… le lendemain. Ça fait bizarre, très peur aussi.
Merci pour cet article donc!
Sophie
de l’article
Bonjour Sophie
Je vous remercie de votre partage. Effectivement, les deux se ressemblent vraiment à certains moments de l’année. Heureusement, que cela s’est bien résolu pour vous deux!
Je viens de rajouter une astuce de reconnaissance dans cet article avec une image, le truc du liseré. Cela peut vraiment aider à différencier l’arum d’autres plantes comme le chénopode, l’un des fameux “épinards sauvages” et avec l’oseille.
Belle suite dans vos cueillettes,
Amitiés
Michaël