Plantes sauvages dans cet article:
La grande ciguë, la petite ciguë et la ciguë vireuse sont trois plantes toxiques très différentes, mais qui peuvent facilement être confondues avec des plantes comestibles, ce qui peut être dangereux. Dans cet article, nous allons vous donner tous nos conseils pour bien faire la différence et éviter toute confusion.
Cet article est sensiblement plus long que la moyenne. Prenez le temps de bien tout lire, et relire si besoin. Le but de cet article est de donner des critères que l’on peut observer sur les ciguës, qui permettent de les reconnaître et de les différencier de certaines plantes comestibles, surtout sans les feuilles. Nous n’allons pas décrire tous les critères de reconnaissance des plantes comestibles associées, pour lesquelles il faudra faire des recherches complémentaires.
Pourquoi les ciguës font-elles peur?
Une des questions qui revient le plus souvent durant les cours sur les plantes sauvages que nous donnons, c’est “Et la ciguë alors, comment on la reconnaît”, ou encore “mais ce ne serait pas de la ciguë ça” lorsque je montre la carotte sauvage. Ces questions sont très pertinentes et il est important de se les poser. D’autant plus qu’il n’existe pas une, mais plusieurs ciguës, et qu’elles peuvent être mortelles. Les intoxications aux ciguës concernent environ 4% des cas en France [1], heureusement pas tous mortels.
On va principalement confondre ces plantes toxiques avec d’autres plantes dont on utilise les feuilles ou les racines en légume, par exemple la carotte sauvage (Daucus carota) ou le cerfeuil sauvage, ou cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris). Le risque de confusion vient du fait qu’elles ont des feuilles qui se ressemblent beaucoup et que l’on récolte les feuilles lorsqu’elles sont jeunes. Toutes ces plantes dont nous parlons ici, toxiques et comestibles, appartiennent à la famille des apiacées.
Dans le doute, abstenez-vous toujours!
Rappelez-vous qu’en cas de doute, il est recommandé de consulter un guide de reconnaissance et surtout, de s’abstenir de consommer la plante.
Les informations de cet article ne peuvent se substituer à une sortie sur le terrain et à une observation d’une plante. N’hésitez pas à suivre une sortie avec un guide professionnel ou avec une association de botanique locale.
De plus, ce que vous lirez ici ne peut être pris pour une vérité absolue. La nature est complexe et ne peut être rangée dans des cases. Cependant, le fait de bien connaître ces ciguës de manière théorique, de connaître par cœur les critères qui les différencie des plantes comestibles qui vous intéressent, vous permettra d’éviter une très grande partie du risque.
Vous trouverez dans cet article également des cartes de répartition pour chaque espèce de ciguës. Ces cartes proviennent du Global Biodiversity Information Facility (GBIF [3]). Je vous invite vivement à les consulter. Il faut savoir néanmoins que ces cartes montrent la répartition observée et répertoriée des espèces, mais qu’il ne s’agit en aucun cas de la réalité. Il ne sert donc à rien de les agrandir au maximum et de se dire, “ouf il n’y en a pas ici”. Elles vous permettront tout de même de savoir si vous vous trouvez dans une région concernée par la présence d’une espèce de ciguës, si elle est plutôt rare ou abondante dans votre région. Ce qui est une information précieuse.
Reconnaître les ciguës, ainsi que beaucoup d’autres apiacées, au stade végétatif, donc sans les fleurs, est une activité périlleuse et difficile, même pour les botanistes.
Donc soyez prudent et humble. En cas de doute, abstenez-vous toujours.
Des feuilles qui se ressemblent, avec ou sans poils?
La famille des apiacées n’est pas facile en botanique. La France compte 185 espèces et la Suisse 120 et de nombreuses d’entre elles ont des feuilles très semblables en début de croissance, comme le montre l’image ci-dessous. Une reconnaissance fiable des apiacées se fait donc avec les fleurs et les fruits. Ainsi, nous pouvons observer la plante entière et être sûr de ne rien manquer.
Lorsque l’on veut déterminer une apiacée sans les fleurs, surtout celles qui ont des feuilles à pourtour général triangulaire et finement découpées, comme dans l’image ci-dessous, il faudra s’armer de patience car la chose est plus ardue qu’avec les fruits visibles.
C’est cependant souvent nécessaire, car ces plantes font d’excellents légumes au goût exquis, mais si on les récolte jeune! C’est malheureusement trop tard d’attendre l’apparition de fleurs pour récolter les feuilles… d’où les cas d’intoxications…
Nos 2 premiers conseils
Si vous débutez dans la cueillette des plantes sauvages, le plus simple pour éviter toute confusion avec les ciguës est de vous abstenir de récolter les plantes à feuilles à pourtour triangulaires et finement ciselées, comme celles de l’image ci-dessus. Donc de vous abstenir de récolter de la carotte sauvage et du cerfeuil sauvage, même si elles sont comestibles. Commencez toujours par les plantes les plus faciles à reconnaître.
Le deuxième conseil à retenir: la plupart des apiacées toxiques sont glabres, elles n’ont pas de poils. Abstenez-vous toujours de cueillir toute apiacée glabre et à feuille finement découpée.
Il y aura toujours des exceptions à ce genres de règles, comme le chérophylle penché (appelé aussi cerfeuil penché ou cerfeuil des fous, Chaerophyllum temulum). Cependant, cette règle est valable pour les ciguës de cet article ainsi que pour les Œnanthes également toxiques.
Bien s’équiper
Lorsque vous aurez plus de connaissances et d’assurance et que vous désirerez récolter des plantes comme le cerfeuil, il faudra apprendre les critères pour chaque espèces par cœur, ou les avoir sous la main, écrits dans un carnet de terrain. Il faudra également vous munir de bonnes flores, en voici quelques unes:
- Flora Gallica pour la France.
- Flora Helvetica pour la Suisse.
- Flora Vegetativa est une aide précieuse pour pouvoir reconnaître les plantes sans les feuilles.
- Petite flore de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Un incontournable au design horizontal unique et particulièrement bien pensé.
Ainsi, petit à petit, vous allez vous familiariser avec ces plantes, et savoir quelles espèces poussent autour de chez vous. Cela prend du temps, c’est normal.
Pour être sûr: attendre la floraison
Nous venons de voir qu’il existe plusieurs apiacées possédant des feuilles similaires, dont la différenciation peut être difficile surtout avant la floraison. Pour une détermination sûre de certaines des apiacées, il convient d’attendre de pouvoir observer les fleurs et les fruits. Chez les apiacées, ces derniers sont très typiques pour chaque espèce. Ce sont des diakènes, qui vont se séparer en deux une fois secs. Ces fruits ressemblent à de petites graines de forme variable, comme les graines de fenouil.
L’illustration ci-dessous montre les akènes de 5 espèces citées dans cet article, toxiques ou comestibles. On remarque que la grande ciguë possède des fruits à 10 côtes ondulées, contrairement à d’autres espèces qui ont des akènes à côtes lisses (cumin des prés), munies de poils (carotte sauvage) ou des akènes lisses (cerfeuil des prés).
Vous comprenez maintenant l’utilité d’être patient, et de bien observer les fruits de la plante que vous voulez déterminer. Ceci sera bien entendu valable pour les autres ciguës dont on parle dans cet article, mais aussi pour toutes les autres apiacées.
Dans l’idéal, il faudra vous munir d’un ouvrage qui contienne ce genre d’illustrations pour les autres espèces d’apiacées qui poussent autour de chez vous, car il y en a de nombreuses autres. Pour faire ce genre d’observation, une loupe de botaniste vous sera d’une aide précieuse.
Et les odeurs?
Si les odeurs sont un critère fort utile pour reconnaître une plante, c’est malheureusement un critère subjectif. Je le sais d’expérience, car lorsque je fais sentir une plante durant un sta, e, bien qu’il y ait des réponses qui reviennent, elles divergent souvent.
Donc oui, les odeurs sont utiles, mais en dernier, comme confirmation après avoir observé tous les autres critères morphologiques.
Grande ciguë, Conium maculatum
La ciguë (Conium maculatum) est une plante toxique de la famille des Apiacées, largement connue pour avoir été utilisée pour empoisonner Socrate. Lorsque l’on parle de “ciguë”, c’est généralement à cette espèce que l’on pense. Mais au-delà de sa réputation sinistre, la ciguë a une histoire riche et fascinante.
L’histoire de la ciguë remonte à l’Antiquité. Le nom “ciguë” vient du latin “cicuta” qui désigne plusieurs plantes toxiques. Elle était largement utilisée par les Grecs et les Romains pour ses propriétés médicinales. Les médecins hippocratiques l’utilisaient en topique pour traiter les ulcères et les hémorroïdes, ainsi qu’en interne pour calmer les nerfs et la toux. En médecine familiale, elle était utilisée en application externe et de nombreux médecins ont essayé de l’utiliser en interne à travers l’histoire, sans qu’elle ne reste le remède spécifique d’aucune maladie [4].
Une plante peut donc être toxique et médicinale à la fois. Aujourd’hui, cette plante n’est plus du tout utilisée en phytothérapie à cause de sa dangerosité, mais plutôt en homéopathie.
Reconnaître la grande ciguë
La ciguë est une plante herbacée bisannuelle ou vivace, pouvant atteindre un à deux mètres de hauteur, dont les fleurs sont réunies en ombelles blanches. Elle est reconnaissable par sa tige cannelée et creuse, tachetée de pourpre, glabre (sans poils) et pruineuse. Cette tige porte de nombreuses tiges plus petites, elles-mêmes portant de plus petites tiges, pour finalement porter des ombelles de fleurs blanches.
Ses feuilles sont vert foncé et alternes, avec des reflets métalliques et leur pétiole est creux. Elles ont une forme générale triangulaire, pennée et découpée en segments fins rappelant le persil et peuvent avoir la taille conséquente de 50cm de longueur. Comme on l’a vu plus haut, les fruits possèdent 10 côtes ondulées.
Elle possède une odeur désagréable rappelant l’urine.
Carte de répartition de la grande ciguë
Elle pousse généralement dans les zones moyennement humides, les fossés et les bords de route, sur des sols plutôt basiques donc calcaires et riches en matière organique. En agrandissant la carte, on remarque que c’est une plante qui peut être abondante localement, mais qui pousse de manière dispersée en Europe.
En Suisse, pays que nous habitons et connaissons bien, c’est une rareté qui sera très difficile de rencontrer sur le terrain, et donc de confondre. Elle est même “potentiellement menacée” selon les critères UICN et protégée dans le canton de Vaud [6].
En France, elle peut être abondante selon les régions, où elle peut pousser côte à côte avec le cerfeuil sauvage.
Le risque sera donc bien plus grande en France qu’en Suisse!
Grande ciguë, Conium maculatum, GBIF.org (27 March 2023) GBIF Occurrence Download
Les risques d’une confusion
La ciguë est hautement toxique et peut être fatale si elle est ingérée. Elle contient plusieurs alcaloïdes, notamment la conine, qui provoque des troubles neurologiques tels que des convulsions et une paralysie respiratoire. Il est important de noter que même une petite quantité de ciguë peut être dangereuse et que les fruits verts sont les parties les plus dangereuses de la plante [4].
Le risque de confondre la grande ciguë avec une plante comestible est important avec des plantes à feuilles finement découpées et ressemblant au persil. Parmi les plantes sauvages, on retrouve la carotte sauvage (Daucus carota) et le cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris) ou le cumin des prés (Carum carvi). Parmi les plantes cultivées au jardin par exemple, on retrouve le panais, le persil et le céleri.
Comment différencier la grande ciguë de la carotte sauvage, du cerfeuil et du carvi?
Heureusement, il existe plusieurs critères permettant de différencier la grande ciguë de ses cousines comestibles. Si vous connaissez ces critères par cœur, le risque devient alors quasi nul. Mais attention, il existe toujours.
Un premier critère vous permet de facilement différencier cette plante de quasi toutes les autres apiacées, comestibles ou toxiques (à notre connaissance). S’il faut s’en souvenir d’un seul, c’est celui-ci!
-> La grande cigüe possède un pétiole circulaire.
Ceci est une particularité. Effectivement, cerfeuil, carotte, berce, carvi et autres chérophylles possèdent un pétiole parcouru dans sa longueur par un canal (une gouttière ou une rainure).
Ce critère est pratique puisqu’il permet de la différencier des autres apiacées même à l’état de jeune feuille.
Dans tous les cas, il faut multiplier les critères, ici nous vous en donnons 5 autres:
- La grande ciguë est tachetée de pourpre. Ceci est également le cas du cerfeuil des fous (Chaerophyllum temulum), également toxique, mais pas des plantes comestibles qui lui ressemblent. Donc s’il y a des taches, ce n’est pas bon signe.
- Les feuilles et les pétioles sont glabres (sans aucun poil)
La carotte sauvage est très velue.
Le cerfeuil sauvage est légérement velu, surtout à sa base.
-> Donc si la plante est glabre, prudence! - La grande ciguë possède une odeur très désagréable, ce qui n’est pas le cas des autres plantes citées ici, qui ont à l’inverse une odeur agréable.
- La grande ciguë a une tige pruineuse = elle a une pellicule cireuse comme les pruneaux. Ce n’est pas le cas du cerfeuil sauvage qui a une tige légèrement velue.
- La grande ciguë possède des fruits à 10 côtes ondulées.
- Carotte sauvage: les fruits sont munis de poils crochus
- Cerfeuils sauvage: les fruits sont complètement lisses
- Carvi: les fruits sont munis de 10 côtes lisses
- La grande cigüe a un pétiolule, un petit “bout de tige” entre l’axe principal de la feuille et les segments latéraux.
Ceci permet de faire la différence avec le carvi, dont les segments latéraux sont collés à l’axe principal de la feuille.
Avec tous ces critères et de bons ouvrages de référence, vous devriez pouvoir écarter les risques.
Petite ciguë, Aethusa cynapium
La petite ciguë (Aethusa cynapium) est une plante annuelle de la famille des Apiacées, également connue sous le nom d’éthuse ciguë, faux persil, ciguë des moissons, persil des chiens ou ache des chiens. Le nom de genre Aethusa provient du grec aíthô et signifie “brûlant”, faisant référence à la propriété irritante de la plante.
L’histoire de cette plante remonte à l’Antiquité où elle était utilisée pour ses propriétés médicinales. Elle a été utilisée en médecine traditionnelle pour soulager de nombreux troubles: gastro-intestinaux chez les enfants, choléra infantile, diarrhée estivale, convulsions, tension mentale, troubles du sommeil, délire, et comme stomachique… [7,8]
Cependant, en raison de sa toxicité, elle a été abandonnée au profit d’autres plantes plus sûres. Aujourd’hui, elle est principalement considérée comme une adventice (mauvaise herbe) dans les cultures et les jardins.
Reconnaître la petite ciguë
La petite ciguë doit son qualificatif petite à sa taille modeste comparativement à d’autres apiacées, notamment à la grande ciguë. Elle ne mesure généralement pas plus de 20 cm, même si dans certains cas, en sol humide et ombragé, elle pourra croitre jusqu’à 1.5m. La tige est cylindrique, souvent pruineuse et à sillons fins. Elle se divise en de nombreuses ramifications portant les feuilles et les ombelles.
Les feuilles sont découpées finement, 2 à 3 fois, elles sont mattes dessus et nettement luisantes dessous. Un des signes distinctifs de cette espèce est que l’on observe sous les rayons portant les fleurs, de petites feuilles appelées bractéoles. Celles-ci sont au nombre de 3, sont longues et partent dans la même direction. Même si d’autres apiacées ont ce caractère, et que les bractéoles vont tomber au cours de la croissance, c’est une bonne manière de reconnaître la petite ciguë lorsqu’elle est en fleur.
Carte de répartition de la petite ciguë et milieux
La carte de répartition de la petite ciguë nous montre qu’elle est commune en Europe et de manière plus continue que sa cousine la grande ciguë, du moins là où elle est présente. Elle pousse dans toute la France et en moindre mesure dans le pourtour méditerranéen et le sud-ouest, et dans tout le plateau suisse.
C’est une plante qui aime les milieux riches en matière organique, plutôt argileux et calcaires, que l’on rencontre dans les champs, les jardins, les friches et les lisières.
Petite ciguë, Aethusa cynapium L., GBIF.org (27 March 2023) GBIF Occurrence Download
Les risques d’une confusion avec la petite ciguë
Tout comme la grande ciguë, la petite ciguë peut être confondue avec d’autres plantes de la même famille, telles que la carotte ou le persil, ayant ces fameuses feuilles triangulaires et finement ciselées. Parmi les plantes sauvages, ce sera principalement avec le cerfeuil sauvage et la carotte sauvage, encore une fois.
Les phytoconstituants signalés dans la plante comprennent un alcaloïde volatile, la cynopine qui ressemble à la conine (celui de grande ciguë) par ses caractéristiques physiques et chimiques ainsi que dans ses actions physiologiques [9]. La petite ciguë est toxique lorsqu’elle est fraiche, mais n’est pas nocive lorsqu’elle est séchée [10], car les toxines comme la cynopine sont détruites par le séchage et le foin contenant la plante n’est pas toxique [11]. Aujourd’hui, elle est notamment étudiée pour ses propriétés sédatives et utile contre l’anxiété [12].
Cependant, ses alcaloïdes toxiques peuvent causer des symptômes suivants: nausées, vomissements, sueurs, salivation excessive, maux de tête. Dans les cas graves, une contracture de la mâchoire et des convulsions peuvent survenir [13].
Différencier la petite ciguë du cerfeuil, de la carotte et du carvi
Les mêmes conseils de base pour reconnaître les apiacées (mentionnés plus haut) s’appliquent ici. On reconnaît facilement la petite ciguë lorsqu’elle est en fleur, grâce à ses 3 bractéoles, mais il sera autrement plus difficile de la reconnaître en début de croissance.
Voici en plus quelques critères qui vous permettront d‘éviter les confusions à l’état végétatif sans les fleurs:
- La petite ciguë est entièrement glabre.
La carotte est fortement velue. Ce critère est suffisant pour différencier les deux.
Le cerfeuil peut être glabre, mais il est souvent velu sur les jeunes tiges, et avec quelques poils sur les nœuds des tiges et les feuilles. Donc ne consommez pas un cerfeuil qui serait entièrement glabre. - La petite ciguë a des feuilles nettement luisantes dessous.
Le cerfeuil a des feuilles mates dessous, voir images ci-dessous. - La petite ciguë a une odeur légérement désagréable.
Le cerfeuil est inodore (ou légère odeur agréable). - La petite cigüe a un pétiolule, un petit “bout de tige” entre l’axe principal de la feuille et les segments latéraux.
Ceci permet de faire la différence avec le carvi, dont les segments latéraux sont collés à l’axe principal de la feuille.
Ciguë vireuse, Cicuta virosa
La Ciguë vireuse, Cicuta virosa, également connue sous le nom scientifique de ciguë aquatique, est la dernière de nos trois ciguës. C’est une plante herbacée, rhizomateuse et vivace. Cette plante est considérée comme étant une des plantes les plus toxiques [14].
Contrairement aux deux espèces précédentes, je n’ai trouvé aucune mention d’usages médicinaux pour la ciguë vireuse.
Reconnaître la ciguë vireuse
La ciguë vireuse est une plante aquatique, ce qui la différencie des autres espèces dont nous venons de parler. C’est une plante mesurant 0.5 à 1.2m de hauteur, aux tiges creuses et rondes, glabres et sans pruine. Les tiges sont parcourues de sillons, qui peuvent être de couleur pourpre dans le bas, mais elles ne sont jamais tachées.
Les feuilles, de couleur vert franc, sont portées par des pétioles creux. Elles sont découpées en folioles allongées et bordées de dents aigües. Leur aspect est beaucoup moins ciselé que chez les autres ciguës. La racine est un rhizome très charnu et creux, ressemblant au navet.
Les parties aériennes ont une odeur rappelant le persil, d’où un risque de confusion, alors que les parties souterraines développent une odeur très désagréable [4].
Carte de répartition et milieux
La carte de répartition de la ciguë vireuse montre qu’elle est assez rare en France, en Suisse. Elle commence à être plus abondante en Belgique et plus au Nord. Elle est d’ailleurs protégée dans certains départements français [15].
Cette ciguë affectionne les zones humides et les marais tourbeux. Il faudra être particulièrement attentif dans ce genre d’endroits.
Ciguë vireuse, Cicuta virosa, GBIF.org (27 March 2023) GBIF Occurrence Download
Les risques d’une intoxication à la ciguë vireuse
Toutes les parties de la plante sont toxiques, mais les racines sont particulièrement mortelles. Les symptômes d’une intoxication par la ciguë vireuse comprennent des nausées, des douleurs dans la bouche, des vomissements, des douleurs abdominales et des convulsions . Il semblerait que sa toxicité diminue au séchage [14].
Si l’on prend tous les aspects de la plante, il semble difficile de la confondre avec une plante comestible.
- Les folioles ne sont pas divisées contrairement à la carotte ou le cerfeuil.
- Le tubercule est renflé et creux.
Cependant, les cas de confusions existent. Ceux que j’ai pu lire dans la littérature ont porté sur les racines, confondues avec des racines de carotte, notamment par des enfants [14]. Donc prudence. Mais comme on l’a vu, le risque est limité puisqu’elle n’est pas abondante en France et en Suisse et qu’elle est limitée aux zones humides.
En conclusion: soyez patient et persévérant
Les ciguës sont des plantes dangereuses et fascinantes, chacune avec sa propre histoire. Elles demandent de l’attention de la part de celles et ceux qui désirent récolter certaines plantes comestibles comme le cerfeuil et la carotte qui leur ressemblent. Il faut d’abord se renseigner sur leur aire de distribution, puis avec quelques connaissances bien précises, il est tout à fait possible d’apprendre à les différencier. Voici quelques conseils pour terminer ce long article:
- Se munir de très bon ouvrages, comme le Flora Vegetativa [2] (il est suisse, mais il fonctionne très bien pour la France) ainsi qu’une bonne flore pour votre pays.
- Tenter de déterminer les apiacées autour de chez vous lorsqu’elles sont en fleurs et en fruits, cela sera plus facile.
- Lorsque vous avez pu mettre un nom sur la plante, observez bien les différents types de feuilles présents sur la tige. Familiarisez-vous avec et observez ses moindres détails, de manière à pouvoir la reconnaître par la suite sans les inflorescences.
- Revenez plusieurs fois au même endroit pour tenter de devenir un bon connaisseur des lieux.
Ce processus peut prendre un certain temps, mais il est nécessaire et sera le gage d’une cueillette sûre pour vous et votre entourage!
Et vous, avez-vous peur de ces ciguës? Vous empêchent-elles de ramasser certaines plantes? Dites-le-nous en commentaires, cela nous aidera à écrire d’autres articles sur le sujet.
Les informations données ici peuvent ne pas être suffisantes pour déterminer ou utiliser une plante avec sécurité. N’oubliez pas, au moindre doute, abstenez-vous! Faites-vous conseiller par un guide professionnel, achetez de bons ouvrages de référence et utilisez les applications de reconnaissance par photographie avec discernement. Sachez que nous organisons des cours sur les plantes sauvages comestibles, médicinales et toxiques régulièrement.
Références
[1] Vigil’Anses n°8 • Le bulletin des vigilances de l’Anses • Juin 2019
[2] Eggenerg & Möhl, Flora Vegetativa, Édition Rossolis
[3] Global Biodiversity Information Facility. GBIF
[4] Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Omnibus
[5] Le Petit Botaniste romand, Département de l’Instruction publique du Canton de Neuchâtel, 1991
[6] Infoflora, Conium maculatum, consulté le 12 avril 2023.
[7] Fleming T. PDR for herbal medicines. 2nd edition. Montvale: Medical
economics company inc; 2000. p. 316. NJ07647-1742.
[8] Vikramaditya and Joshi, P., (1997). A guide to important medicinal plants
used in homeopathy, V2, Homeopathic Pharmacopoeial laboratory, India, 4 and 23.
[9] Power FB, Tutin F. Chemical examination of Aethusa cynapium. J Am Chem Soc 1905;27:1461–76.
[10] Salisbury, E. J., (1961). Weeds & Aliens. New Naturalist Series, Collins, London., Society of the British Isles, London, UK.
[11] Moreau J. Rudiments of Hahnemann’s first material medica. L’Homdopathie Europ Fenne 1996;5:19–20.
[12] Shri R, Bhutani KK, Sharma A. A new anxiolytic fatty acid from Aethusa cynapium. Fitoterapia. 2010 Dec;81(8):1053-7. doi: 10.1016/j.fitote.2010.06.026. PMID: 20603195.
[13] Ministère de la Santé et la de Prévention, Petite ciguë, Risque en cas d’ingestion.
[14] A colour Atlas of poisonous plants, Frohne Pfänder, 1984.
[15] INPN, Cigue vireuse, Cicuta virosa L., Inventaire national du Patrimoine Natural, France.
CBN, Petite Ciguë, Aethusa cynapium L. subsp. cynapium, Conservatoire botanique national de Brest
Flora Helvetica, Guide d’excursion.
Bonjour,
Merci, oui c’est effectivement une exception à la règle “les apiacées toxiques sont toutes glabres”. J’ai rajouté l’info.
Michael
Merci beaucoup pour votre article, qui me donne des pistes pour essayer de reconnaître ces plantes. Je resterai toutefois très prudente. Est ce que ce fier à l’odeur des plantes comestibles, peut-être aussi un bon indicateur ?
A bientôt
Sophie
Bonjour Sophie,
Certaines plantes ont des odeurs typiques, agréables et facilement reconnaissables: reine-des-prés, lierre terrestre, carotte…
D’autres ont des odeurs désagréables comme expliqué dans l’article.
Les odeurs sont des critères très pratiques, à rajouter à tous les autres critères d’identification. C’est une information en plus, mais il ne faudrait jamais se baser uniquement dessus car il peut y avoir des faux-amis: plante toxique à l’odeur agréable par exemple.
Michaël