Plantes sauvages dans cet article:
Les sirops sont d’excellentes manières pour conserver les plantes sauvages. Après vous avoir déjà parlé du sirop de sapin blanc, de celui au lierre terrestre ou encore celui de cynorhodon, nous avions envie de vous partager le fruit d’une recherche concernant une grande plante médicinale, le plantain lancéolé.
Le plantain lancéolé est un classique des plantes médicinales et de la phytothérapie. Ses vertus astringentes des muqueuses sont utilisées depuis l’antiquité au moins, notamment pour soigner les blessures [1]. De nos jours, il est souvent utilisé comme plante pectorale pour adoucir les muqueuses enflammées lors d’une toux sèche par exemple, et dans toutes sorties d’affections hivernales grâce à ses vertus anti-inflammatoires, antispasmodiques et immunomodulantes [2].
Il n’y a pas si longtemps, lors de la préparation de notre nouvelle formation en ligne, je lisais le chapitre du plantain lancéolé que lui a consacré le Dr Lorrain dans son excellent Grand manuel de phytothérapie. J’y ai appris une chose fort surprenante qui a changé mon point de vue sur cette plante. Je parle ici du plantain au sens large, qui dans cet article va englober le plantain lancéolé (Plantago lanceolata) et le grand plantain (Plantago major), les deux ayant des propriétés très similaires.
L’aucubine, un principe actif sensible
La plupart des recettes de sirop de plantain vous proposeront de réaliser une infusion de plantain, à partir d’une plante généralement sèche. En effet, chauffer cette plante n’a jamais semblé être un gros problème pour conserver ses propriétés. Nous le faisons à la maison souvent d’ailleurs. Une bonne tisane de cette plante est un régal et c’est une plante que nous avons toujours dans nos placards.
Le plantain contient une molécule très intéressante qui s’appelle aucubine. Et celle-ci a des propriétés anti-inflammatoires [3] et antibactériennes [4] qu’il serait intéressant de pouvoir conserver, dans un sirop par exemple.
Cependant, cette aucubine est sensible à la chaleur. L’infusion et le séchage font perdre cette molécule et ses effets bénéfiques. Une préparation fraiche et crue est donc supérieure à une préparation cuite ou séchée à trop haute température[2].
Cueillette et séchage
Lorsque vous achetez du plantain, il est généralement séché à 40-50°. Durant ce processus, les concentrations d’aucubine décroissent. Selon une étude, si elle est séchée à température ambiante, la concentration d’aucubine est deux fois plus importante! [4] Une plante fraiche aura donc plus d’aucubine.
Le problème du séchage à l’air libre du plantain à la maison, est qu’il risque de mal se désydrater, puisque ses mucilages risquent de recapter l’humidité ambiante de l’air. L’aucubine risque alors d’être hydrolysée et de conférer une teinte brune à la plante. Et on dit que toute plante noircie au séchage doit être jetée. Cela m’est déjà arrivé de devoir jeter des cueillettes.
En conséquence, je vous conseille de le sécher à 30-35°C, idéalement dans un déshydrateur ou un four.
De plus, il est intéressant de noter que la teneur en aucubine varie en fonction de la période de récolte! Avant floraison, la teneur en aucubine est très faible dans tous les organes et atteint son maximum en automne, avec des niveaux d’aucubine de 1-3% [4].
Cela signifie que dans la pratique, le plantain peut être récolté durant toute la belle saison, avec des propriétés légèrement différentes selon le moment. Ainsi, la fameuse règle qui veut que l’on récoltera les feuilles avant la floraison n’est pas toujours vraie… Et que si on a le choix entre une plante fraiche ou sèche, la première aura plus de vertus.
Réaliser un sirop de plantain frais et cru
Vous comprenez maintenant cette envie de faire un sirop à partir d’une macération fraiche et crue, et non à partir d’une infusion cuite, qu’elle soit à partir de plantes sèches ou fraiches. Nous avons testé une recette et avons été convaincus ! Pas du point de vue médicinal, car après un seul hiver, nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour cela. Nous comptons sur vos retours!
Par contre, d’un point de vue gustatif, ce sirop est surprenant et excellent, par exemple avec un peu de jus de citron. Et s’il est bon pour la santé, c’est encore mieux!
On pourra donc le boire comme un sirop gustatif, ou le prendre à la cuiller comme un sirop médicinal, s’il en reste en hiver… ^^
L’idée est donc dans un premier temps de faire une macération. Pour les quantités, je me suis basé sur des recettes issues de la monographie du plantain de l’Union européenne [4]. Vous allez donc mixer votre plantain dans de l’eau et faire macérer le tout durant une nuit. Ceci va permettre une bonne extraction des principes actifs. Puis, simplement presser et filtrer pour obtenir un magnifique jus de plantain, auquel vous allez rajouter le sucre.
Vous constaterez que la quantité de sucre est importante. Ceci est tout à fait normal puisqu’il a été mesuré pour obtenir un sirop aseptique. Ceci, plus le fait de remplir vos bouteilles à chaud, donc de chauffer légèrement le sirop à une trentaine de degrés et à ras bord, permettra une bonne conservation. Nous avons des bouteilles qui ont déjà un an et demi et elles sont impeccables.
Atelier plantes médicinales pour l’hiver
Gare de Lally, Parking, Blonay, Suisse.
Atelier plantes médicinales pour l’hiver
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Journée sur les plantes médicinales: de la reconnaissance à l’utilisation
Gare de Lally, Parking, Blonay, Suisse.
En conclusion, le plantain est une herbette fascinante qui peut vous surprendre même après des années d’utilisation! Pour en savoir plus sur les plantes médicinales et les préparations fait maison comme les sirops ou les onguents, nous proposons divers ateliers aux Pléiades (Vaud, Suisse), dans un cadre idyllique et convivial.
Sirop de plantain frais
Équipement
- Mixeur ou blender
- Casserole
- Balance
- Dosette
- Filtre à café permanent, tissus ou passoire
- Bouteilles à fermoir mécanique
Ingrédients
- 100 gr de plantain lancéolé ou majeur – frais
- 1 L d’eau
- 1.6 kg de sucre bio
Instructions
- Récolter le plantain.
- Le nettoyer 3-5x à l’eau. Bien frotter à chaque fois. Égoutter.
- Le hacher grossièrement.
- Peser la quantité de plante. Il nous faut une quantité de 100gr par litre d’eau.
- OPT: rajouter 8cs de rhum ou de brandy (50mL), ou d’un autre alcool à 40°. Ceci va augmenter l’extraction des principes actifs et améliorer la conservation.
- Mélanger l’eau et le plantain dans un mixer et mixer le tout.
- OPT: si vous avez des bouchons à vin avec la petite pompe pour vider l’air, mettre le tout en bouteille et vider l’air. Cela évitera l’oxydation. Sans pompe, laisser le tout dans le mixer, cela ira très bien aussi.
- Laisser macérer durant une nuit.
- Filtrer et presser. Pour assurer une bonne conservation, je filtre très finement. La première phase, je presse au presse-purée, puis passe le tout à travers un filtre à café permanent. La dernière et longue étape consiste à filtrer à travers des filtre à café en tissus. Nous obtenons ainsi un jus parfaitement filtré. Vous pouvez aussi untiliser une passoire et un morceau de tissu.
- Mesurer le liquide obtenu.
- Rajouter le sucre: 1.6kg de sucre pour 1L de liquide.
- Mettre en casserole et chauffer jusqu’à dilution du sucre, mais pas plus de 35°C pour éviter de perdre l’aububine! Touillez énergiquement durant 10-15min pour dissoudre tout le sucre.
- Pendant ce temps, stérilisez vos bouteilles à l’eau chaude ou à l’alcool.
- Une fois le sucre dissous, mettre en bouteille à raz bord et étiqueter.
Notes
- Si vous avez une autre quantité de plante fraiche, faites une règle de 3: votre quantité de plantain frais (gr) / 100gr/L = Litres d’eau à utiliser
- Ce sirop n’étant pas stérilisé, il est important de bien laver les feuilles à plusieurs reprises pour éviter tout risque de botulisme.
- A utiliser en cas de toux sèche et dès que l’on commence à tomber malade.
- Posologie : 15 ml de sirop, 3-4x par jour. Dose journalière: 45-60 ml [4].
Références
[1] Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’antiquité, Édition Belin, 2003.[2] Dr Eric Lorrain, Grand manuel de phytothérapie, Dunod, septembre 2019.
[3] Bermejo Benito P, Diaz Lanza AM, et al., Effects of some iridoids from plant origin on arachidonic acid metabolism in cellular systems, Planta Med., 2000, 66(4), 135-146
[4] Assessment report on Plantago lanceolata L., folium, European Medicine Agency, 22 November 2011
[5] Bisset N. Grainger et Max Wichtl, Herbal Drugs and Phytopharmaceuticals: A Handbook for Practice on a Scientific Basis, Deutscher Apotheker Verlag (DAL), 2nd edition, 2001