Plantes sauvages dans cet article:
Le sapin blanc nous rappelle souvent des souvenirs hivernaux de sirops et de bonbons. Découvrons comment le reconnaître, le cueillir et le cuisiner.
Sapin blanc, Sapin pectiné, Sapin argenté
Abies albaFamille Pinacées
Floraison Mai
Milieux Forêts à sol profond
Altitude 400-1900 m
Abondance Localement abondant
Parties utilisées Aiguilles et bois (toute l’année), cônes (automne)
Propriétés médicinales Pectoral
Arbres à utilisation similaire Pins, épicéa, genévrier, mélèze
Risques de confusion Épicéa, If (toxique), autres espères de sapins
Un peu d’histoire
Drôles de noms
Le sapin blanc, sapin pectiné ou encore sapin argenté, possède une riche histoire que nous n’allons qu’effleurer ici. Je vous renvoie à l’excellent “Histoires d’arbres” de Dumont et Montelle pour plus de détails, tant scientifiques qu’historiques (légendes etc…).
Commençons par son nom. Dans le mot sapin, on y trouve le sanscrit sapa signifiant “résine” ainsi que le gaulois sap signifiant “dégoutter”. Peut-on en déduire que l’arbre dégoutte de résine? Personnellement, je ne trouve pas. Car j’ai observé que son cousin l’épicéa en produit généralement plus. Mais mon expérience n’est bien entendu pas universelle. Cela pourrait tout de même montrer que les anciens connaissaient la résine et peut-être l’utilisaient.
On retrouve toutes sortes de dérivé du mots sapin: sapinage, sapine, sapineau, sapinette, sapinière… D’ailleurs de nombreux lieux, villes et villages portent cette étymologie: Sapel, Seppey, Savolière et même Savoie (qui signifie le pays des sapins)!
Le sapin porte également d’autres noms que vous allez facilement observer autour de chez vous. Comme Darbey (le jeune sapin) dont dérive le nom de famille Darbellay (un politicien Suisse assez connu). Mais également Vuargne que l’on retrouvera facilement dans les lieux-dit des cartes topographiques: Les Vuargnes, Vargne, Vuarne, Vargnoz.
Bref, vous l’aurez compris, le sapin blanc se rencontre partout autour de nous 😉
Vous reprendrez bien un peu de bière au sapin antiscorbutique?
Ce n’est donc pas étonnant que ses aiguilles (tout comme celles d’autres résineux) aient été utilisée en tout cas depuis le 16e siècle pour leurs propriétés anti-inflammatoires et antiseptiques, notamment dans la prophylaxie du scorbut [1]. Si on sait aujourd’hui que c’est la présence d’huiles essentielles, de polyphénols et de flavonoïdes qui leurs confèrent ces bienfaits [2], il était aussi utilisé de manière récréative, notamment pour aromatiser la bière. Se montrait-elle aussi antiscorbutique? C’est possible.
Aujourd’hui, le sapin blanc est principalement utilisé en médecine populaire sous forme de sirop pectoral.
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Comment reconnaître le sapin blanc (botanique)
Le sapin blanc est un arbre pouvant mesurer 40m de hauteur. En Suisse, chaque forêt possède son sapin “Président”, à savoir le plus haut de tous (et qui a du coup plus de chances de se faire foudroyer…). C’est un résineux, donc il produit de la résine, et c’est un conifère, il ne produit donc ni fleurs ni fruits. Il produit par contre des cônes. Les mâles produisant du pollen, qui sera disséminé par le vent et les femelles, les pives ou pommes de pin, qui sont les plus grands des deux. On ne retrouve jamais de cônes de sapin blanc à terre car ils se désagrègent à maturité directement sur l’arbre, contrairement à l’épicéa dont les cônes pendants se retrouvent à terre. Souvenez-vous donc de la petite cantine suivante pour vous en souvenir:
Épicéa, pives sous nos pas,
Sapin blanc, pives dans le vent.
Un bon critère pour reconnaître le sapin blanc est d’observer les aiguilles. Elles sont disposées sur un plan. Il peut arriver qu’elles soient recourbées (surtout les rameau de la partie haute de l’arbre), mais grossomodo le plan est horizontal. Maintenant, observez bien la face inférieure des aiguilles, et vous remarquerez qu’elles sont parcourues par deux lignes blanches. Finalement, on sort la loupe de botaniste et on la pointe vers le bout de l’aiguille pour remarquer qu’elle est échancrée, c’est-à-dire creusée d’une petite fente.
Sapin blanc, Abies alba. Photographies: Michaël Berthoud.
Risques de confusion
Il existe une cinquantaine d’espèces de sapins à travers le monde. Il se distinguent des épicéas car les aiguilles s’insèrent sur des rameaux lisses par un petit disque. Chez les épicéas, les rameux sont sillonnés (parcourues de lignes) et ponctués de petits picots, sur lesquelles s’insèrent les aiguilles. En France et en Suisse, ces autres sapins sont peu fréquents naturellement, mais peuvent être planté ça et là sous en plantation.
Confusion avec l’épicéa
Le sapin blanc peut donc être confondu avec l’épicéa, Picea abies, également appelé sapin rouge. Ce dernier est comestible donc pas de souci de ce côté là. Je fais souvent un sirop mélangé entre les deux, pour que la cueillette soit plus rapide. Par contre, sachez que les rameaux de l’épicéa sont moins parfumés.
Critères de Épicéa:
- Aiguilles réparties tout autour du rameau et non sur un plan.
- Aiguilles piquantes et plus fines que le sapin
- Tronc rougeâtre et non blanchâtre
- Rameaux et cônes pendant et non dressés.
Épicéa commun, Picea abies. Photographies: Michaël Berthoud
Il faut savoir qu’on appelle généralement sapin, tout les résineux dont les aiguilles sont parcourues des deux lignes blanches, même si ce ne sont pas des sapins botaniquement… Par exemple, sur mon terrain, j’ai un résineux avec des aiguilles planes et les deux lignes blanches dessous. J’ai donc pensé à un sapin blanc. Mais après un examen attentif, je me rend compte que le tronc ressemble à l’épicéa (rougeâtre et plus écailleux). Mince, cela se complique… Après une discussion avec mon beau-père, excellent botaniste et longue expérience, nous concluons pour un sapin de Serbie, Picea omorika. Les plus attentifs d’entre-vous remarquerons que Picea est bien le genre des épicéas et non des sapins. Pour s’y retrouver, je vous recommande le guide Delachaux des arbres d’Europe! Mais ne vous inquiétez pas, dans 99% des cas vous aurez affaire au sapin blanc et à l’épicéa.
Confusion avec l’if
Le sapin blanc, Abies alba, peut être confondu avec l‘if qui est toxique et dangereux pour la santé. Il est important de pouvoir faire la différence. J’ai déjà écrits un article sur la différence entre if et sapin. Vous y trouverez des images des deux conifères et les critères de distinction. Le bout de l’aiguille de l’if n’est pas échancrée mais en pointe, c’est le critère principal.
Où trouver du sapin blanc?
Le sapin blanc se rencontre un peu partout en Suisse. En France, il est absent du pourtour méditerranéen, d’une partie de la côte atlantique et du Nord. Il pousse dans les forêts au sol profond et plutôt humides, il ne tolère par la sécheresse.
Quand a lieu la récolte de sapin?
La récolte de sapin blanc peut avoir lieu tout l’année, c’est pourquoi c’est un de mes préféré!
Premièrement parlons des jeunes pousses, appelées à tord “bourgeons”. La cueillette des bourgeons se fait généralement au mois de mai. Elle débute en pleine, puis en montagne progressivement. En général, il y a deux à trois pousses par rameaux, on va donc récolter uniquement les pousses latérales et laisser la pousse terminale, pour que l’arbre puisse continuer sa croissance! Cela est très important dans le cadre d’une cueillette durable et respectueuse de la nature. Pour ceux qui ne l’auraient pas lu, je vous recommande de lire les règles d’une cueillette durable.
Ensuite, on peut récolter les branches entières, et ce durant toute l’année, au besoin. Mais l’idéal est de faire une grosse récolte à l’automne ou en hiver, période durant laquelle les forestiers coupent les arbres. On peut alors faire de grosses récoltes sans blesser d’arbres, chic!
Concernant la résine, je la récolte également toute l’année durant. Je prélève les parties sèches et dures, et uniquement celles autours des blessures, car la résine fait office de “croute”. On lui laisse donc ce qu’il a besoin pour ce soigner.
Comment cuisiner le sapin blanc?
Jeunes pousses (bourgeons)
Ah enfin on y arrive me direz vous 😉 La partie la plus traditionnellement utilisée, ce sont les jeunes pousses, les fameux “bourgeons de sapin”, à l’odeur puissante d’agrume. Il me rappellent les bonbons pour la gorge, à d’autres le sirop. Cette dernière préparation est un classique que tout cueilleurs se doit d’expérimenter une fois dans sa vie. Si vous n’avez pas de sapin blanc autour de chez vous, utilisez de l’épicéa ou du pin, le résultat sera tout aussi bon! Les poussent parfument aussi les boissons telles que liqueurs et les limonades. Mais dans ce derniers cas, je préfère utiliser les branches entières!
Les bourgeons ont un côté citronné, donc partout où vous mettez du citrons remplacez-le par du sapin.
- sauce à salade (haché finement)
- poissons (haché finement)
- plats de légumes (plutôt en fin de cuisson)
- crèmes brûlées (infusé)
- glaces et sorbets (infusé)
- Sirops (macéré dans le sucre, infusé macéré dans l’eau)
Découvrez comment réaliser le traditionnel sirop de sapin blanc!
Branches et aiguilles
Quant au aiguilles des branches, lorsqu’on les froisse dans les mains, il s’en dégage une magnifique odeur d’agrume qui rappelle la mandarine. Vous pouvez donc utiliser les branches entières pour parfumer toute sorte de boisons et en faire de la poudre comme expliqué plus bas.
Poudre de sapin
J’adore utiliser les aiguilles des branches et des rameaux. Pour en profiter tous les jours et toute l’année, je les sèches, les ôtes des branches pour finalement les pulvériser au moulin à café. Cette poudre est un condiment très puissant que j’utilise dans touts ma cuisine!
- Plats de légumes
- Soupes
- Yogourts
- Et même pour en faire de l’encens!
Le sapin se marie très bien avec le romarin! Vous pouvez par exemple préparer un sel au sapin et au romarin par exemple, on encore un apéro sapin, romarin, fromage de chèvre et noix!
Soupe à la courge et au sapin
Ingrédients
- 2 c. à soupe Aiguilles de sapin en poudre
- 1 Courge
Instructions
- Faites cuire la courge recouverte d’eau dans une casserole.
- Mixer une fois cuit.
- Rajoutez 1 cs de poudre de sapin séchée par litre de soupe.
Notes
Références
[1] Lind, J. (1772). A treatise on the scurvy: in three parts. Containing an inquiry into the nature, causes, and cure, of that disease. Together with a critical and chronological view of what has been published on the subject. S. Crowder.[2] Albanese L, Bonetti A, D’Acqui LP, Meneguzzo F, Zabini F. Affordable Production of Antioxidant Aqueous Solutions by Hydrodynamic Cavitation Processing of Silver Fir (Abies alba Mill.) Needles. Foods. 2019;8(2):65. Published 2019 Feb 12. doi:10.3390/foods8020065
[-] Histoires d’arbres, des sciences aux contes, Pascal Domont et Edith Montelle, Delachaux et Niestlé
[-] Guide Delachaux des arbres d’Europe, Owen Johnson et Davis More, Delachaux et Nieslté